vant un procédé que nous étudierons plus tard à propos du bilan thermique
du lac, il a calculé la somme de calories nécessaires pour élever
une colonne verticale de ÎOO™2 et de 65'« de hauteur, de 0° à la température
indiquée par les sondages. Il a trouvé :
1891 juillet 18 5690 calories,
août 7 6702
septembre 1 6012
— 17 7632
octobre 5 6630
— 24 6172
novembre 4 6477
1892 octobre 1 6587
1893 octobre 31 6072
11 a constaté ainsi que dans l’été de 1891 le réchauffement avait duré
jusqu’au 17 septembre, puis que le lac s’était refroidi ; mais il a reconnu
dans ces procès de réchauffement et de refroidissement deux arrêts ou
retour en arrière. Le 1er septembre le lac était, dans la région étudiée,
moins chaud que le 7 août, ce que M. van Berchem attribue à la série
de vents du sud qui ont régné dans les jours antérieurs,-du 19 au 28
août : les eaux chaudes de surface du Petit-lac ont été balayées et entraînées
dans le Grand-lac pour être remplacées par des eaux profondes
froides; c e refroidissement est très évident pour les couches de 30 à
50m. D’une autre part, le 4 novembre le lac était plus chaud que le
24 octobre. Le vent du nord avait soufflé du 27 octobre au 3 novembre;
il avait accumulé dans le Petit-lac l’éau chaude de surface du
Grand-lac, et la couche de température uniforme (eaux de surface), qui
n’avait que 20m le 24 octobre avait 40m le 4 novembre. Cet épaississement
des eaux de surface n’était pas dû au refroidissement automnal ;
en effet, la couche de 40m s’était réchauffée de 4.8° entre ces deux dates.
C’est un fait analogue à celui que nous ont montré les sondages thermométriques
de M. Turrettini du 22 juillet 1890 (v. p. 368).
Nous trouvons dans les études de MM. Turrettini et van Berchem une
justification entière des notions que nous avons exposées sur les phénomènes
de convection mécanique par l’action des vents, et sur leur
application à la thermique du lac.
III. l<a congélation du Léman.
Les phénomènes de congélation des lacs ont un grand intérêt. D’une
part, ils soulèvent quelques questions curieuses de physique; d’une
autre part, ils nous ouvrent des regards sur les faits climatiques des
temps passés. Ils sont facilement observés; ils attirent grandement
l’attention du public et sont enregistrés dans les chroniques ; bien ayant
l’invention des thermomètres et l’organisation de la thermométrie
météorologique, ils nous donnent des dates précises sur le climat et sur
ses changements possibles.
Nous allons donc étudier avec attention la congélation du Jac.
i. Faits historiques.
Et d’abord recherchons dans l’histoire et les chroniques les faits du
passé.
1° Dans toutes les descriptions géographiques et historiques du Léman,
on trouve rapporté que le lac a été gelé dans les années 762 et
805. Le récit est plus ou moins enjolivé dans les diverses chroniques ;
nous nous bornerons à en citer une version : « Deux fois », dit L. Vul-
liemin, « en 762 et en 805, le miroir du Léman s’est couvert d’une glace
assez profonde pour que de gais patineurs se soient élancés d’une rive
à l’autre, et que même des chars aient traversé le lac de Nyon à Tho-
non ».(*)
Ce récit est purement légendaire, et cette légende est fausse. En remontant
avec M. Favey aux sources (2), on arrive par Dellient aux Antiquités
de Genève, et dans celles-ci à Y Histoire genevoise de Grégorio
Leti, et enfin au fameux Manuscrit de Prangins. Or, toute anecdote
relatée dans cette chronique doit être tenue pour suspecte. Le Manus-
(!) « Ils sont bien téméraires, ces patineurs contemporains de Pépin-le-Bref, » dit
M. le prof. G. Favey dans un article de la Gazette de Lausanne, 24 avril 1880, où
nous avons puisé la plupart des détails notés ici, « et celui qui nous les peint si gracieusement
n’a-t-il pas quitté un instant la plume de l’histoire pour le crayon plus
agile de l’artiste ? il les maniait si bien l’un et l’autre qu’il a pu s’y tromper. »
(2) L. Vulliemin, le canton de Yaud. Dictionnaires de Lutz, de Martignier, etc.