et sont remplacées par les eaux plus propres des couches moyennes.
5° Au printemps et en été, les eaux des petits affluents, en dehors
de l’état de crue, sont souvent plus légères que les eaux de surface du
lac ('), et par conséquent restent superficielles. Or, quoique claires
relativement aux eaux de débordement, ces eaux fluviátiles sont toujours
bien moins limpides que les eaux lacustres, et elles tendent à
diminuer la transparence de celles-ci avec lesquelles elles se mélangent.
6° Enfin les eaux lourdes d’un affluent en état de crue, les eaux
limoneuses d’un ruisseau débordé, les eaux laiteuses du Rhône d’été
sont, il est vrai, plus denses que les eaux de surface du lac et plongent
en masse dans les grands fonds (2). Mais si le lac est agité par
des vagues, il y a mélange à l’embouchure de l’affluent de quelques
parcelles de ces eaux sales avec les eaux claires du lac ; celles-ci se
chargent de quelques particules d’alluvion impalpable : elles deviennent
sales, troubles, louches ou simplement opalines. Nous venons de voir
(page 428) qu’il suffit de quelques milligrammes par litre pour rendre
opaque l’eau sous l’épaisseur de quelques mètres. Cette alluviôri impalpable
reste en suspension pendant longtemps, et durant des jours, des
semaines môme, peut altérer la limpidité des eaux. Un exemple- entre
mille : le 24 mai 1894, dans une excursion sur le lac, de Genève au
Bouveret, après avoir admiré la transparence magnifique des eaux du
Petit-lac; je reconnus le louche amené par les eaux de la I)rance
depuis Thonôn jusqu’à Evian sur la côte de Savoie, par les eaux du
Flon dans les environs d’Ouchy jusqu’au-delà de Pully, les eaux opa-
linisées par le Rhône et les b a y e s du Haut-lac à partir de Vevey. Tout
le Haut-lac avait des eaux louches ou tout au moins opalines.
Ces masses d’eau salie par le trouble des rivières, entraînées par les
courants superficiels, d’un vent sudois par exemple, forment devant
l’embouchure des affluents en crue de vastes promontoires mobiles
d’eau opaque ou opaline ; ils apparaissent, vus d’une colline élevée,
comme de gigantesques panaches jaunâtres, grisâtres, verdâtres, qui
s’étendent souvent fort loin, à bien des kilomètres sous le vent, et qui
tranchent par leur couleur sur le bleu général du lac. Plus tard, lorsque
le temps est revenu aü calme, ces mêmes masses d’eau louchie sont
(h Voyez 1.1. p. 358.
promenées à la surface par le jeu des courants irréguliers et gardent
pendant longtemps, des jours et parfois des semaines, leur individualité
d’eau opaline, entourée par les eaux limpides du lac.
Cette action des eaux de rivière est à son maximum pouri le Rhône
pendant sa période de crue, de mai en août ; pour les petits affluents,
lors de la fonte des neiges et après les grandes pluies. Elle est au contraire
nulle pendant les gelées de l’hiver.
Je conclus : la variation périodique annuelle de la transparence des
eaux est due à des causes multiples qui se combinent et s’addition-
nent. Ce n’est pas une action simple, c’est une action composée. Aussi
la limpidité des eaux varie-t-elle beaucoup d’une observation à l’autre ;
dans la même station, dans le môme mois, on voit la limite de visibilité
passer du simple au double. C’est ainsi que dans la station de Pully,
par exemple, cette limite de visibilité a varié :
en juin; de 3.5™ à 7m
en juillet, 4 7
en août, 4 10
Je trouverais des variations analogues dans toutes les stations du
Grand-lac.
Les conditions les plus favorables à la limpidité des eaux sont celles
des longues périodes de.gelée d’un hiver soutenu. C’est alors que le
lac a cette transparence admirable qui amène la limite de visibilité aux
valeurs de 15, de 20, de 21m,. que nous avons indiquées comme étant
jusqu’à présent le maximum observé.
C. Etudes et méthode dé la Commission genevoise.
Le 4 octobre 1883, la Société de Physique de Genève nomma une
commission chargée d’étudier la„ transparence des eaux du lac Léman,
sous la présidence de J.-L. Soret. Ont pris part à ces travaux MM. J.-L.
Soret, Ph. Plantamour, Ed. Sarasin, C. de Candolle, H. Fol, R. Pictet,
Ch. Soret, A. Rilliet, Th. Turrettini et Schmidtgen. (x)
Outre la méthode du P. Secchi qui lui a donné les mêmes résultats
fl) Recherches sur la transparence des eaux du lac Léman, etc. Mém. soc. phys.
XXIX, n° 11. ©enève, 1887.