le lac pendant des heures et des heures ; ce n ’est que dans le milieu
de la nuit, quand le dernier passage de bateau a eu lieu sur le lac vers
les 8 heures du soir, que le lac reprend son calme, et que i e tracé
limnographique cesse de montrer des indices de broderies. Quatre ou
■cinq heures au moins, telle est la durée de Faction, reconnaissable à
nos appareils, du passage d’un bateau à vapeur. Le navire est depuis
plusieurs heures à l’ancre,dans le port de Genève, que les souvenirs
de son passage sont encore visibles au milieu du Grand-lac par l’existence
de ces vibrations consécutives.
^ u du sommet de Naye ou de Dent d’Oche, un bateau à vapeur qui
circule sur le lac semble une mouche qui se débat sur une jatte de
lait ; c’est un point dans l’espace. Et cependant ce corps minuscule
agite toute la massé du lac et la remue assez pour la faire vibrer pendant
bien des heures. La force, vive dégagée par la combustion du
charbon sous la chaudière du pyroscaphe se transforme en travail
mécanique qui s’épuise lentement dans ces vibrations consécutives,
et, par les frottements des molécules de l’eau les unes sur les autres, se
transforme de nouveau en chaleur. Une partie de la chaleur dégagée
par la combustion du charbon est donc employée à réchauffer la
masse de l’eau du lac. Les forces du monde physique ne se perdent
pas, elles se transforment dans des cycles toujours et indéfiniment
renaissants.
3° Mais longtemps avant l’arrivée du premier bateau à vapeur, qui,
dans la matinée, touche au port de Morges vers 8 heures, je vois mon
tracé limnographique dessiner des vibrations (fig. 82 c c'). Elles sont
moins hautes que les vibrations consécutives ; leur durée est à peu
près la même, une demi-minute environ pour chaque oscillation. Je
reproduis, fig. 85, ces vibrations a n té c é d e n te s d’un bateau à vapeur
7 ^\4Q_____ 13 Septembre 1878. 7^\50
(Fig. 85.) Vibrations antécédentes d’un bateau à vapeur, 15 minutes avant le passage.
Limnographe sensibilisé, 6™> par minute.
arrivant d’Ouchy. Le bateau n’abordera à Morges que dans 15 minutes,
il est encore à 2 kilomètres de distance, et cependant avec le limnographe
sensibilisé, on voit déjà des vibrations de près d’un centimètre
de hauteur.
Ces vibrations antécédentes se propagent à de grandes distances.
Dans le régime d’été, alors qué les bateaux à vapeur commencent à
circuler sur le lac à partir de 4 ‘/a à 5h, les tracés de mon enregistreur
sensibilisé les font voir déjà dans ces heures matinales; tandis qu’aucun
bateau ne se rapproche de Morges (les premiers passages ayant
lieu à ce port à 7 ou 8h seulement) tandis que les moins éloignés circulent
entre Ouchy et Evian, c’est-à-dire à 10 et 14km de Morges, les
vibrations antécédentes des bateaux à vapeur y sont parfaitement évidentes.
Dans la fig. 86, je copie les vibrations dessinées le 13 septems\
SQ.________13 Septembre <¡878. è\00-
(Fig. 86.) — Vibrations antécédentes d’un bateau à vapeur, traversant le lac à plus
de ©km de Morges. Limnographe sensibilisé, 6mm par minute.
bre 1878, à 5h50, à Morges, alors que le premier bateau ne devait
toucher à ce port qu’à 8h. Les oscillations sont parfaitement caractérisées,
et il est incontestable qu’elles se font manifestement sentir à plus
de 10 kilomètres de distance.
Quelle est la vitesse de propagation de ces vibrations ? Combien de
temps mettent-elles pour traverser la largueur du lac ? Je n’ai malheureusement
pas d’observations assez précises pour répondre à cette
question (’). D’une part, le début des ondulations sur les tracés limno-
graphiques n’est pas assez net ; elles commencent par des dentelures
de moins d’un millimètre de hauteur et s’accroissent progressivement ;
d’une autre part, à l’époque où je faisais ces études, le départ des
bateaux à vapeur d’Ouchy et d’Evian était organisé de telle sorte
que leur action utile devait être d’efficacité progressive. Il aurait fallu,
pour que l’apparition des vibrations fût subite à Morges et se dessinât
nettement sur les tracés limnographiques, que le premier départ eût
lieu d’Evian, vis-à-vis de Morges ; au lieu de cela, il y avait un bateau
partant d’Ouchy pour Evian à 5h10min, et un autre, à 5h30min, partant
d’Evian pour Ouchy.
(*) L ’observation de ces vibrations n’est pas très facile. Gomme nous allons le
voir, le vent, même faible, détermine des oscillations très semblables ; pa r conséquent,
pour reconnaître les vibrations dues aux bateaux à vapeur, il est indispensable
de s ’adresser à des lacs de calmé plat. Combien de fois, dans l’année 1878,
. où j’étudiais ces phénomènes, ai-je préparé, le soir, une série d’observations pa r
un lac plat comme un miroir ! combien de fois ma veille a-t-elle été interrompue
par l’apparition d’une brise qui troublait l’expérience en développant des vibrations
avec lesquelles les vibrations des bateaux à vapeur se seraient confondues 1