Nous pouvons y prendre une idée de la variabilité de la température
du lac. En utilisant les chiffres de Plantamour, je dresserai un tableau
qui permettra de juger de cette variabilité ; j’y donnerai la différence
moyenne mensuelle entre les extrêmes de température observés chaque
jour des 23 années d’observation; puis les plus divergents des extrêmes
de température observés directement; enfin la différence entre ces
extrêmes de divergence maximale, qui exprime l’amplitude de la
variation.
Différence moyenne
e n tre
le s ex trêm e s
d’un même mois
Maximum
observé
Minimum
observé
Amplitude
de
va ria tio n
Janvier 2.0° 7.7° 1.8» 5.9»
Février 2.1 7.5 0.9 6.6
Mars 2.9- 10.8 3.3 7.5
Avril 5.0 14.4 4.8 9.6
Mai 7.1 17.8 5.8 12.0
Juin 9.3 21.6 '7.0 14.6
Juillet 10.6 24.6 7.5 17.1
Août 8.7 24.1 8.1 16.0
Septembre 7.0 21.9 7.0 14.9
Octobre 7.3 18.9 6.6 12.3
Novembre 4.5 14.0 6.0 8.0
Décembre 3.3 9.6 1.7 7.9
On ne peut être que frappé de l’amplitude considérable de la variation.
Elle est moins grande que celle de l’air atmosphérique qui s’élève,
à Genève, de ,20° en novembre à 24° en mai(1). Mais étant connues la
faible variabilité de la température de l’eau, la lenteur de son réchauffement,
la lenteur de son refroidissement, on doit demander l’explication
de variations aussi cbnsidérables que celles qui ont amené la température
du Rhône, au mois de juillet, de 7:5° le 1er juillet 1865, à 24.6° le 15
juillet 1874. La cause en est la suivante. La plus grande divergence de
la température est due à des écarts négatifs (2). Tandis que les écarts
positifs relativement faibles, causés par un échauffement local excessif
se rapportent à des jours de grand calme, de grand soleil, pendant
f1) Climat de Genève, II, 84.
P) Du 13 au 14 juillet 1893, le port de Genève a passé de 19.8° à 10.5° : différence
9.3“.
lesquels la stratification thermique directe est fortement accentuée, les
écarts négatifs ont lieu lorsqu’un grand vent du sud balaie la couche
de surface et, la chassant loin de Genève, la fait remplacer par les eaux
profondes plus froides. Ces écarts négatifs peuvent être très considérables
et d’un jour à l’autre la température du lac baisse de 6°, de 8°
et plus (*). C’est donc essentiellement à des phénomènes de convection
mécanique, et non à des faits dé conduction qu’est due cette variabilité
considérable de la température du lac à Genève.
D. Réflexion de la chaleur solaire par le miroir du lac.
Nous possédons une excellente étude faite sur ce sujet, au bord du
Léman, en 1873, par notre très regretté collègue et ami feu le professeur
Louis Dufour de Lausanne. (2)
Que la-chaleur, de même que la lumière, soit partiellement réfléchie
par le miroir des eaux, lorsque le lac est calme, cela est évident à
première vue ; que cette réflexion ait de même lieu sur le miroir fragmenté
des vagues lorsque le lac est agité, c’est facile aussi à comprendre.
Mais Dufour a voulu aller plus loin, et il a cherché à préciser
les conditions et les proportions de cette réflexion. Les résultats qu’il a
obtenus sont intéressants.
La méthode employée était fort simple. Trois thermomètres étaient
placés au centre de sphères creuses en cuivre, recouvertes d’un vernis
noir mat (boules de Gasparin), dans une localité convenable, à Ouchy,
au Désaley, à Rivaz, à Chexbres ou à Lausanne, où on pouvait les
exposer à la fois aux rayons directs du soleil et aux rayons réfléchis par
le lac ; les trois boules étaient mises simultanément en observation et
soustraites alternativement, par des écrans, contre l’une ou l’autre des
sources de chaleur rayonnante. Je renvoie au mémoire original pour
la discussion très délicate des expériences, et je me borne aux résultats
qui se résument en ces termes :
I o La plus forte quantité de chaleur réfléchie par la surface du lac a
l1) Nous ne parlons ici que des cas de la stratification directe dans les mois
d'été. Dans l ’hiver, en cas de stratification inverse, la variabilité est beaucoup
moins grande.
(2) L. Dufour. Recherches sur la réflexion de la chaleur solaire à la surface du
lac Léman. Bull. S. Y. S. N. XII, 1. Lausanne 1873. '