d’évidence que sur une surface terrestre quelconque. La parfaite régularité
de la nappe aqueuse en rend l’observation plus facile que sur une
plaine avec' ses accidents inévitables.
Je n’ai pas vu de plus beaux mirages, ni dans la plaine de la Crau,
entre Arles et Marseille, ni dans le Sahara de Biskrah, que ceux que
nous pouvons admirer chaque jour d’hiver sur le Léman.
Les réfractions sur eau chaude ayant lieu chaque fois que l’air est plus
froid que le lac, il en résulte que le mirage est presque constant dans
barrière-automne et dans l’hiver pendant toute la journée, au printemps
et en été pendant la matinée seulement. Cela résulte de ce que
nous avons dit dès rapports de température de l’air et de l’eau du lac.
C’est le type de réfraction de beaucoup le plus fréquent sur le Léman
2° Les mirages sont apparents sur le lac quel que soit l’état d’agitation
de l’air; j’en ai constaté par les bises les plus violentes, par les
lacs les plus tourmentés (L). L’immobilité de l’image réfléchie du mirage
fait alors un contraste frappant avec la turbulence des flots qui s’entrer
.choquent près de nous. On. dirait la juxtaposition d’un lac d’huile à
l’horizon, au-dessus et au-delà de la région où sévit la tempête.
3° On ne peut qu’être étonné de la rapidité avec laquelle la stratification
thermique nécessaire pour la production du mirage s’établit sur
le lac. Quand, en hiver, il souffle un vent de bise, si je vais m’établir au
fond du golfe de Morges dans le jardin de la Blancherie, si je regarde
dans la direction de la Venoge, mon rayon visuel traverse de l’air qui
arrive directement de la te rre ; il n’a pas cheminé plus d’une centaine
de mètres sur le territoire du lac. C’est, de l’air de terre ferme, par
conséquent de l’air qui, jusqu’à son arrivée au lac, a été en contact avec
un sol plus froid que la température moyenne de l’air, sur de la neige
glacée, par exemple ; cet air n’avait donc en rien la stratification thermique
inverse qui produirait les réfractions du mirage. (2)
Et cependant les réfractions d’hiver et le mirage y sont déjà évidents
et brillants.
.(•) Pendant que je corrigeais les épreuves de ce chapitre, j’ai cependant constaté
l’absence complète de tout mirage pendant la bise furieuse du 1er octobre 1894. A
9h dans le direction sous le vent, la. pointe du Boiron vue de Morges ne montrait
pas trace de mirage, même sur le miroir que j ’abaissais à quelques centimètres de
l’eau ; et cependant je voyais la ligne d’horizon entre l’objet visé ebmoi. Température
de l’air 9.2°, température du lac 12.0°.
(-) J ’ai vu des mirages dans ces conditions entr’autres le. 2 décembre 1889, à 14h,
la température de l’air étant — 1.3°, celle du lac + 6.4», la bise étant très forte et le
ciel serein.
RÉFRACTIONS SUR EAU CllAUDE
Si nous donnons à la bise une vitesse de 5“ , de 10m par seconde, et
si nous constatons que le trajet de l’air sur le lac n’a été que d’une
centaine de mètres au plus, nous arrivons à la notion très étonnante,
presque incroyable, qu’il a suffi de 10 ou 20 secondes de temps pour
que l’air ait pris sur le lac la stratification thermique nécessaire à l’établissement
du mirage. Cela est conforme, mais en l’illustrant d’une
manière instructive, avec ce que nous savons de la décroissance rapide
d un cornant d air qui se meut sur une surface solide, rugueuse; cela
indique probablement l’adhérence à l’eau d’une couche d’air déjà
réchauffée par un contact prolongé, qui avance avec une vitesse beaucoup
plus lente que les couches d’air superposées, emportées par la
violence de la bise.
4» Les réfractions sur eau chaude et le mirage sont visibles sur le
lac dès que le cercle d’horizon apparent est moins éloigné que la côte
opposée. Ils ne deviennent bien évidents que lorsque le cercle de
1 horizon n est pas trop distant, et que par conséquent les objets situés
au-delà de ce cerclé sont encore suffisamment nets. Il en résulte que
les phénomènes de mirage ne sont faciles, à constater que lorsque
1 oeil de 1 observateur est à une faible hauteur au-dessus de la nappe
du lac, quelques mètres à peine.
On peut cependant voir le mirage d’une station même assez élevée.
Ainsi le 16 octobre 1894 à J5h, de la terrasse de Chigny,sur Morges, à
7.5“ au-dessus du lac, j’observais de superbes mirages dans la direction
de Montreux, Chillon et Villeneuve, à la distance de 35km. L’air
était d’une transparence admirable et sa température très fraîche-donnait
de bonnes conditions dés réfractionsrsur eau chaude.
5° Comme nous l’avons dit, en cas de réfraction sur eau chaude, le
cercle de l’horizon apparent est notablement rapproché ; il s’en suit que
les mirages se manifestent en hiver sur des objets qui en l’absence de
réfraction eussent été bien en deçà de ce cercle.
C’est ainsi qu’en hiver (observation du 14 décembre 1889) j ’ai pu
constater des mirages sur la pointe du Boiron, distante de 1600™ de la
grève-du Parc de Morges, quand mon oeil était à 2.2™ au-dessus de la
nappe du Jac. A cette hauteur visuelle, le cercle de l’horizon normal
passerait à 5292™ de l’observateur (i) ;' en réalité ce jour-là le cercle de
(*) Po u r calculer cette distance, je me sers simplement de la formule donnée à
la page 6 de ce volume ; je n’y fais pas intervenir la valeur de la réfraction normale
Celle-ci augmenterait encore la distance de l’horizon réel, et la différence
signalée entre celle-ci et l’horizon apparent serait encore plus forte.