du large, les resserre, mais d’une autre part en exagère tellement la
hauteur qu’elles roulent et se brisent en écumant sur elles-mêmes.
c II semblerait que la réflexion d’une vague contre un mur n’en
affecte nullement la grandeur ; quand on voit le ressac des vagues qui
s ’entrecroisent en se quadrillant devant un quai, ou mieux encore,
quand on voit se réfléchir contre ce quai la vague solitaire du bateau
à vapeur, il semble que la vague est aussi haute après sa réflexion
qu’avant ; oui, il semble même qu’elle ait gagné en hauteur, en rebondissant
contre la paroi où elle est allée battre.
Et cependant, le mouvement des vagues s’éteint par les réflexions
contre les rives et par les frottements sur le sol. Depuis mon enfance,
je suis frappé des allures différentes, au point de vue des vagues, des
deux parties du Léman que nous appelons le Grand et le Petit-lac.
Dans le Grand-lac un calme plat est chose rare, dans le Petit-lac, chose
fréquente. Une tempête â sévi sur le Grand-lac. ; c’est pendant un ou
deux jours que l’eau continue à être en mouvement, et les grandes
lames de houle morte paraissent vraiment ne jamais s’éteindre ;
il est un état du lac que j’inscris sur mes notes par les
mots : « après l’orage », qui est très caractéristique. Une tempête a
frappé le Petit-lac ; quelques heures après, le lac peut être au calme
plat.
Pendant longtemps j ’ai attribué cette différence d’allures à la différence
de profondeur des deux bassins ; les frottements sur le sol atténuent
et éteignent certainement le mouvement des vagues. Mais
depuis que j’ai cru voir les mêmes allures du Petit-lac, qui revient si
vite au calme plat, observables dans les grands lacs d’Insubrie qui
sont plus profonds que le Léman, je suis obligé d’attribuer une part
plus grande de cette extinction des vagues à l’étroitesse du bassin.
Que ce soit par la réflexion des vagues sur les murs du rivage, ou
par les frottements sur les parties peu profondés du littoral, ou par le
défaut de développément ensuite de la brièveté du chemin parcouru
par les vagues sur un lac étroit et contourné, le fait est que dans les
petits lacs, les lacs peu profonds, les lacs étroits, le calme plat est
beaucoup plus fréquent que dans la vaste étendue du Grand-lac,
aussi bien du Léman que du Bodan. Cet effet de la grandeur du bassin est
encore bien plus frappant sur l’Océan. Le Marseillais a beau dire .
« Té ! Cette mer, elle est comme d’huile », il y a toujours, même sur
la mer, qui semble p la te com m e un m iro ir , une houle qui vient
battre la grève, et qui révèle de vieilles vagues, parties on ne sait
quand, on ne sait d’où.
d Les vagues, en roulant les unes sur les autres, font un bruit très
fort. On entend leurs coups lorsqu’elles battent sur la grève ou contre
un mur; leur choc résonne fort loin. Mais en plein lac même, leur
vacarme est encore très marqué. Lorsque l’on navigue en bateau en
temps de vagues, on ne distingue pas trop ce bruit au milieu des sif-
fleménts du vent dans les cordages, des chocs des vagues contre le
corps du navire, etc. En l'evanche, on le discerne fort bien
lorsqu’un coup de vent frappe sur le lac à distance, avant que soit le
vent, soit les vagues aient eu le temps d’arriver jusqu’à nous. Pendant
longtemps l’on peut être étonné de ce bruit étrange, mystérieux,
qui rompt le silence de la nuit. Je l’ai souvent entendu de Morges ;
il est surtout bien marqué à Montreux, lorsque la vaudaire fait ragé
en plein lac, en laissant en repos et dans lé calme la côte et le rivage.
e Tantôt les vagues accumulent les graviers et sables su r là grève ;
tantôt elles dénudent celle-ci. L’effet change chaque fois, et rien n’est
plus variable que l’état d’une grève soumise au caprice des flots. Pendant
longtemps j’ai noté, après chaque tempête, les effets des vagues
sur la grève, mais j’avoue n’avoir pas réussi à démêler les lois de ce
phénomène; le même vent, les mêmes vagues, avec la même force
apparente, un jour, accumulaient les matériaux au pied du mur de
mon jardin, l’autre jour, le déchaussaient et le dénudaient. Ces différences
d’action proviennent soit de la grandeur des vagues, soit de
leur direction, soit de leurs allures, soit probablement aussi de la
hauteur relative des eaux du lac ; mais de quelle manière ? je l’ignore.
2° Les taches d'huile.
Les riverains du Léman désignent sous le nom de fontaines des
taches irrégulières qui apparaissent à la surface du lac, lorsque
celui-ci est ridé par une brise légère. Ce phénomène a donné lieu à
beaucoup de théories et de suppositions que je crois erronées ; voici
l’interprétation que j'en ai donnée (>) : .
Si l’on approche d’une fontaine, l’on constate immédiatement que-
(1) Bull. S. V. S. N., XI, 148. Lausanne; 1873.