intensité sans pareille. Je n’ai jamais vu de spectacle plus saisissant, et
ne puis exprimer la splendeur qu’il empruntait à son développement
gigantesque, à la magnificence de sa coloration, ainsi qu’au calme
absolu de l’atmosphère et de la surface liquide sur laquelle il reposait.
»
M. Wartmann cite une troisième observation d’iris vue sur le lac,
prèâ de Genève aussi, le 5 juillet 1871, par M. W. Valier. Le phénomène
lumineux s’étalait comme une bande orientée du N. au S., occupant
une longueur de 200m sur une ligne allant d e là pointe de Bellerive au
port de Genève. •
Voici une observation très intéressante que je dois à l’obligeance de
E. Javelle, alors professeur au collège de Vevey.
« C’était le jeudi 28 décembre 1876, nous approchions de Rolle en
bateau à vapeur; il était une heure après midi ; le temps était beau, le
ciel à peu près pur, le lac ridé. Comme je regardais la rive vaudoise,
mon attention fut attirée par un arc-en-ciel d’une vivacité admirable ;
il semblait étalé en ligne droite devant nous, à la surface de l’eau, dans
la direction du nord, ce qui par l’effet du raccourci, lui donnait la
forme d’un rectangle aux contours indéfinis... 11 augmentait d intensité
à mesure que nous avancions ; il semblait si bien être étalé sur 1 eau
même et la revêtir de ses couleurs, qu’à l’instant où le bateau 1 atteignit,
je le voyais à 15 ou 20 pieds devant, moi. On aurait dit que la
proue entrait dans un fluide rouge et orangé. A ce moment, nous passions
à ‘travers une fo n ta in e très étendue et parfaitement caiacté-
risée. »
M. Wartmann attribue la production de l’iris à l’existence à' la surface
de l’eau d’une quantité considérable de matières pulvérulentes
flottant sur la nappe liquide, et y formant une sorte de réseau assez
uniforme. Autour de chaque corpuscule flottant, la surface de l’eâu
éprouverait une déformation capillaire ; l’anneau circulaire ainsi engendré
constituerait une sorte de prisme à arête horizontale, et les rayons
solaires s’y disperseraient.
Je ne suis pas en mesure de confirmer ou de réfuter par des observations
personnelles cette théorie du physicien de Genève. Malgré une
recherche attentive toutes les fois que j’ai vu le lac couvert de poussières,
je n’ai jamais pu observer l’iris avec l’amplitude décrite pai
Wartmann.
Je suis pour ma part plutôt disposé à l’attribuer aux phénomènes de
dispersion chromatique produite sur des lamelles minces. Je me
fonde ;
à) Sur les nombreuses observations que j’ai faites de phénomènes
analogues, mais sur une plus petite échelle, dans le port de Morges
entr’autres, alors que des opérations de goudronnage de la coque des
bateaux avaient versé des substances huileuses à la surface de l’eau.
b) Sur la production artificielle de l’iris que j’ai répétée bien souvent
en étendant sur le lac quelques gouttes d’essence de téré-
bentine ou d’huile d’olive.
c) Sur l’observation très précise de M. Javelle que j’ai reproduite
plus haut. 1-1 a constaté que l’iris se manifestait sur ce que l’on appelle
une fo n ta in e dans la langue des riverains du lac Léman ; et nous
jivons vu que les fontaines n’étaient pas autre chose que des taches
d’huile. G)
Jusqu’à plus ample informé, je rapporterai donc le phénomène de
l’iris à ce que l’on appelle, en physique, les anneaux colorés dans les
lames minces, et je Chercherai la production de la lame mince dans
l’étalement à la surface de l’eau d’une couche huileuse suffisamment
épaisse, et de pouvoir réfringeant différent de celui de l’eau.
III. lies rayons brillants de l’image du soleil.
J’ai observé au bord du Léman, en mai 1894, un très joli phénomène
que je veux décrire rapidement.
Sur un lac immobile, éclairé par un soleil brillant, je vois autour de
l’image du soleil qui se réfléchit sur le miroir de l’eau, apparaître à
intervalles irréguliers, et dans des positions quelconques, des traits de
feu, rectilignes ou à peu près rectilignes, de 72 à l cm de longueur, qui
Convergent vers le centre de l’image de l’astre. Ils ne sont pas liés à
cette image ; chacun d’eux est une apparition spéciale, indépendante
du foyer principal qui éblouit mon oeil. Ces traits sont très ténus et
sans durée appréciable; rien n’annonce leur venue. Ils se voient jusqu’à
une assez grande distance de l’image du soleil, jusqu’à d0 ou 20"
peut-être.