époque tardive; la plupart des lacs suisses ont été gelés en décembre
et en janvier. Le Léman n’a commencé à se prendre qu’en février,
alors que plusieurs d’entre eux (Annecy, Quatre-Cantons) étaient déjà
en dégel ; il a eu encore une congélation le 1er mars, alors que les lacs
de NeucMtel, de Zurich, de Zoug, de Constance étaient libérés de
glaces. Voici du reste pour permettre une comparaison utile avec
les autres lacs, les époques de leur congélation dans l’hiver 1880 :
Morat du 18 décembre au 8 mars
Bienne 22 5 —
Neuchâtel 20 . + + V 24 décembre
' — • 8 février 18 février
Zurich 28 décembie 29 décembre
22 janvier 29 février
Zoug 24 ,+ + >
Coftstance 2 février 20 février
IV Cantons 6 ■ ■ 10 A
Annecy 20 janvier 10 —
Léman 9 février 10 § |8 g f
44 - 46 —
+ + + 1 mars 1 mars
la congélation <lu Léman n’a-t-elle pas commencé en
décembre, alors qu’ont eu lieu les grands froids de l’hiver? Le Petit-
lac était, dès .le 8 décembre, dans les conditions telles que la congélation
était possible. ■— Etudions de plus près l’état météorologique des
journées et des nuits où a eu lieu la congélation du lac. Voici, d’après
l’Observatoire de Genève, le minimum thermométrique et le maximum
de la journée :
8 février
Minimum Maximum
|- 2.3°
9 -V — 1.5° .-4- 4.0 Gel du lac.
10 — + 0.5 j j 2.2 ' - - 1
13 février +11.4
14 — IIM B 4.2» F r i 4 0 Gel du lac. Gelée blanche.
15 , -— 3.5 + 4.6 r f + A + . —1
16 — - — 2.3 .+ 5.2 . — -----
29 février f 8 5»
1 mars : v-a. 1.7o +12.9 Gel du lac. Gelée blanche.
D’après ces chiffres, la congélation du lac n’a pas eu lieu par des
journées de grand froid : pendant le jour, la veille aussi bien que le
jour même des apparitions de glaces, le thermomètre était toujours
au-dessus de zéro, et cela de valeurs importantes allant jusqu’à 5, 10
et 12° ; pendant la nuit, le thermomètre descendait au-dessous de zéro,
mais pas beaucoup, au plus à A 4.2°. C’était là un état thermique de
l’air bien moins grave que celui dont nous avions souffert en décembre
et en janvier. En décembre, le thermomètre est resté à Morges pendant
24 jours au-dessous de zéro, du 5 au 29; la moyenne de décembre
de l’Observatoire de Genève a été de — 6.9° ; le minimum thermométrique
a été pendant 13 jours au-dessous de. —• 10°. Janvier a été
moins rude, mais encore très froid ; 3 jours avec une température
minimale inférieure à B -10°.
Cela étant, je décomposerai le problème en deux questions
Pourquoi le lac n’a-t-il pas gelé pendant les mois de décembre et de
janvier? J’attribue le fait à ce qu’il a régné presque constamment
des vents plus ou moins forts, dont les vagues agitaient l’eau, mêlaient
les couches superficielles avec les couches profondes plus chaudes, et
empêchaient ainsi la prise par la glace. Cet état d’agitation de l’air est
indiqué par les observations météorologiques de Genève qui n’ont noté
le calme de l’air (désigné par le mot v a r ia b le ) que pendant trois
jours du mois de décembre très froid (moyenne. S 6.9°), et pendant
10 jours du mois de janvier beaucoup moins froid (moyenne ¡¡¡j: 3.7°);
Pourquoi le lac a-t-il gelé en février et mars ? C’est que dans les
nuits où il s’est laissé prendre, il régnait un calme plat, absence de
vents qui auraient mélangé le s ’couches de l’eau (14 jours variables à
Genèvë dans le mois de février). Puis et surtout, que dans ces nuits le •
ciel parfaitement serein permettait un rayonnement puissant. L’eau (•),
comme tous les corps athermanes (2), c’est-à-dire peu transparents
pour la chaleur, rayonne elle-même puissamment. On le savait
déjà auparavant. On connaît l’exemple classique de la production artificielle,
de la glace au Bengale : on expose, dans la soirée, de l’eau
renfermée dans des bassins plats, peu profonds, reposant sur des corps
mauvais conducteurs ; le rayonnement des belles nuits claires est tel,
(h L ’eau n’est athermane que pour la chaleur o b scu re; elle laisse fort bien
passer la chaleur lumineuse; mais, dans le .cas de rayonnement nocturne, nous
n’avons affaire qu’à la chaleur obscure.
(2) Il serait plus logique de dire adiathermane; mais les auteurs, à la suite de
Melloni, ont adopté le mot athermane.