rive, et jusqu’à 100 ou 200m en avant, au-delà du m o n t, à ce que m’ont
affirmé les capitaines et pilotes des bateaux à vapeur le Jura et
l’Aigle.
Semblable apparition s’est reproduite sur le port de Morges le
21 février 1888.
On avait déjà observé un fait analogue le 10 février 1880, dans le
Petit-lac, entre Gentbod, la Belotte et Genève. « Le lac était tout blanc
de neige; les flocons de neige tombant dans une eau à température de
glace ne s’y fondaient pas et formaient une crème, une bouillie blanche,
opaque, dans laquelle le bateau à vapeur S’avançait sans bruit et sans
craquements » (rapports des capitaines du Simplon et du Guillaume-
TelV). Un radeleur d’Hermanee a vu le même phénomène ce jour-là.
Les apparitions de glaçons de neige du 10 février 1880 et du
21 février 1888 sont assez normales. Ces jours-là l’eau du Petit-lac, près
de Genève, et celle du port de Morges étaient très refroidies par la
température basse des jours précédents ; elle était au-dessous de 4°, et
la stratification inverse de l’eau, au-dessous du maximum de densité,
était régulière. Le 21 février 1888, j’ai mesuré dans le port de Morges :
Surface - ' 0.0°
à 0.6m de profondeur -(- 2.3
1 d lR l ? ■ —j- 2-6
2 H 2.8
Mais le 14 février 1888, il en était tout autrement. Le 7 février, la
température' profonde du Grand-lac, mesurée par moi-même devant
Morges, à 120m de profondeur, était 5.0°; la température superficielle
5.2°. Jusqu’au 13 février, le temps a été relativement doux, et le
lac ne s’est certainement pas refroidi. La journée du 13 février a été
splendide, une des plus belles journées de l’hiver. Les mesures de
température prises à midi dans le port de Genève, à un mètre sous la
surface, ont donné :
13 février -|- 5.0°
14 — -j- 5.0°
Nous pouvons donc affirmer que le 14, au matin, l’eau du lac était
au moins à 5°. C’est donc sur de l’eau au-dessus du maximum de densité
que la neige tombait, et n’a pas tardé à tenir.
La chute de neige a-t-elle été assez puissante pour refroidir jusqu’à
4° les points du lac où les glaçons de neige ont été observés? Je ne
Je crois pas. Les observatoires de Genève et de Lausanne ont mesuré
la quantité de neige tombée dans les 24 heures, du 14 au 15 février,
et 1 ont trouvée de 10.8 à 15mm d’eau. Supposons que jusqu’à 4h du
soir, heure où le phénomène a été constaté sur le lac, la moitié de
cette chute ait eu lieu, et évaluons-la à 8«™ d’eau de neige. Cette neige,
en fondant dans l’eau, aura absorbé de la chaleur et refroidi le lac.
A 80 calories pour la chaleur latente de la glace, une couche de neige
de 8mm d eau aurait pu abaisser d’un degré, et ramener de 5° à 4° une
couche d’eau, de 64™ du lac, mais pas plus. Or dans toutes les localités
où les glaçons de neige ont été vus, la profondeur du lac était de 2“
au moins, de 4“ et plus. Il me paraît donc impossible que la chute de
neige ait ramené à 4° toute la couche d’eau sous-jacente à nos glaçons
de neige.
Nous avons donc à considérer la superposition très anormale que
voici :
A la surface, glaçons de neigé à . . . . . 0°
Eau profonde, près d e . . . . . . . . . 50
C’est là une stratification thermique tout-à-fait extraordinaire. En
effet, on rencontre dans la nature: ou bien la s tr a tif ic a tio n d i r e c t e ^ )
dans laquelle le fond de l’eau est à 4° et les couches supérieures sont
plus chaudes, ou bien la s tr a tif ic a tio n in v e r s e , dans laquelle le fond
est à 4° et les couches supérieures sont plus froides. Mais trouver sur
la même tranche verticale une stratification qui a dû présenter la
série suivante :
Surface. ■ 0» 1° _ 2°___3° 4» 4.50 50 4 50 40 Fond
Stratification inverse Stratificationdirëcte
C’est-à-dire à la surface stratification inverse, au fond stratification
directe; et entre deux.... stratification instable. Car la superposition :
surface . . . 4° . . . . 4.5° . . . 5° . . . fond
fait reposer de l’eau plus dense sur de l’eau plus légère. —■ C’est là un
fait que je n’avais jamais rencontré, que j ’aurais même tenu pour
impossible.