2. Régime thermique du littoral en hiver.
Nous avons vu que la température moyenne de la région pélagique
du Grand-lac est, dans les mois d’hiver, de 5° environ (janvier 5.9°, février
5.6°). Elle est descendue exceptionnellement en 1880 à 4.8°, en 1891
à 4.0°. Mais normalement elle ne s’abaisse pas au-dessous de 5°.
D’une autre part, j’ai dit que dans le fond des golfes et ports l’eau
pouvait arriver à congélation, c’est-à-dire descendre à 0° ; nous verrons;
bientôt que ce cas se présente parfois dans toute l’étendue du Petit-lae
qui se comporte alors comme un golfe du Grand-lac.
Nous pouvons donc avoir la juxtaposition dans le même lac à la surface,
c’est-à-dire dans la même couche horizontale, d’eaux à 5° ou 5 i/i<>
dans la région pélagique, et d’eaux à 0« dans le fond des golfes. Ces
eaux ont des densités sensiblement différentes. Gomment un état statique
peut-il exister dans de telles conditions? Comment des courants
ne mélangent-ils pas immédiatement ces eaux ?
Voici de quelle manière j ’ai expliqué en 1880 ce fait curieux (*) :
Dans la région pélagique du plein lac, la température de l’eau étant
au-dessus de 4°, nous y avons une stratification thermique directe, suivant
la série :
Surface 5 1/i°— 5°— 4 1/2— 4° fond.
Dans la région littorale, la surfaëe étant au-dessous de 4°, la stratification
thermique y est inverse, suivant la série :
Surface —Og-Va0 —1° —1 Va0 —2° —2 Va0 —3° ~ 3 7à° —4° fond.
Entre ces deux régions, à stratification thermique opposée, il y a une
bande dans laquelle la surface étant de l’eau à 4°, l’eau à cette température
étant le plus lourde possible, il ne peut y avoir au-dessous ni
de l’eau plus chaude, ni de l’eau plus froide : toute l’épaisseur de l’eau
doit être à 4°. Ce que j’exprime en continuant la même notation par :
Surface 4° fond.
Nous avons donc la juxtaposition des stratifications suivantes :
5 7» 5 4 72 4 3 2 1 0
5 4 V2 4 4 . 4 3 2 1
4 1/* 4 4 4 4 3 2
4 4 4 4 4 4 4 3
4 4 . 4 . . i ' 4 4 4 4
D’après cela, les isothermes doivent présenter la disposition de la
figure 114 : il doit y avoir formation d’une barre d’eau à 4°, la barre
thermique littorale, à flancs inclinés en sens \
opposés comme les deux faces d’un toit, sur \
lesquels les isothermes se superposent en
stratification directe du côté du plein lac, en
stratification inverse du côté de la rive. L’eau plus lourde de cette barre
doit tendre sans cesse à s’écouler dans le fond ; mais, en descendant
ainsi, elle doit permettre le contact des eaux plus chaudes et des eaux
plus froides qui la limitent de chaque côté. Dans ce contact d’eaux de
températures différentes, mais de densités égales, il doit y avoir
mélange et production à nouveau d’eau à 4° : de l’eau à 3.5» se mélangeant
avec de l’eau à 4.5° doit donner de l’eau à 4°. La barre littorale
qui sé détruit sans cesse par les courants descendants de convection
doit sans cesse se reformer à nouveau par le mélange d’eaux de températures
diverses.
Je puis donner une preuve directe de ce que je viens de décrire. Le
16 février 1880, à la fin du grand hiver, j’ai fait une série de sondages
dans le Petit-lac, près de Nyon, alors que du côté de Genève les eaux
étaient arrivées à la température de congélation. Voici les valeurs numériques
de deux de ces sondages,.opérés à moins d’un kilomètre de
distance^ l’un dans la région des eaux chaudes venant du Grand-lac,
l’autre dans la région des eaux froides, du Petit-lac :
16' février 1880. Devant Nyon et Crans. Grand calme.
Eau chaude Eau froide
S u rfa c e 0m
COo
2.4°
10 4.3 3.1
20 4.3 3.5
30 4.2 3.9
40 4.1 4.0
50 4.0 4.0
60 4.0 4.0
75 4.0 __ '■