La coexistence des seiches de 40min avec les longues seiches
uninodales de 73min est parfaitement authentique ; j’en ai donné des
exemples dans les fîg. 55, p. 97 et fig. 73 p. 126; j’en pourrais
citer vingt cas aussi probants. Si donc les oscillations de 10 minutes
sont bien des seiches transversales, il y a dans le lac coexistence,
interférence des deux mouvements de balancement, le longitudinal et
le transversal, celui qui balance suivant l’axe Villeneuve-Genève, et
celui qui balance suivant l’axe Morges-Evian. J’avais constaté la possibilité
d’une telle coexistence dans mes bassins d’expérimentation ; il
est intéressant de la retrouver en nature, dans le lac.
Mais, avons-nous bien affaire à des seiches transversales1?
Ne serait-ce pas plutôt une seiche longitudinale plurinodale, une
octinodale, comme le suppose un de mes amis, qui aurait un de ses
ventres à Morges ? Cette hypothèse ne me semble pas admissible. En
effet, une seiche de type quelconque, qu’elle soit uninodale ou plurinodale,
a toujours un ventre aux extrémités du bassin ; toutes les
seiches longitudinales de tous les types possibles doivent donc se
dessiner à Genève et à Chillón. Et comme l'effet d’amplification de la
hauteur des dénivellations dû au rétrécissement et au peu de profondeur
du lac à Genève est valable pour tous les types de seiches longitudinales,
celles-ci y ont toutes une hauteur exagérée comparativement
à celles des autres stations du lac. Par conséquent si les Seiches
jomin de Morges étaient des longitudinales plurinodales, elles
devraient apparaître sur les tracés de Genève et de Chiffon chaque
fois que nous les voyons à Morges, et leur hauteur devrait être à
Genève au moins 5 fois plus forte qu’à Morges (en analogie aux
proportions relatives des binodales à Genève ét Thonon). Or ce n’est
certainement pas le cas. J’écarte donc sans hésiter l’hypothèse qui
ferait des seiches normales de Morges des plurinodales longitudinales.
Pour démontrer la nature transversale uninodale de ces seiches de
Morges, il aurait fallu fairé fonctionner un limnographe à Evian simultanément
avec celui de Morges, et. prouver, par une comparaison
soignée d’observations bien réglées, le synchronisme et l’opposition
des mouvements. Nous ne possédons pas ces observations.
Les seules observations utiles que j ’aie dans cet ordre de faits ne
sont malheureusement pas suffisamment démonstratives. Le 30 septembre
4874, les 3 février et 9 mars 4875, pendant que notre ami,
M. le professeur G. Rey, observait les seiches de Morges avec un
plémyramètre, je me rendais en Savoie et j’v faisais des observations
plémyramétriques près d’Evian. J’en ai donné les résultats dans les
figures 85 à 88 de la planche XI de ma 2e étude sur les seiches (>).
Les résultats ne sont pas très briffants. On voit bien parfois à Evian
des seiches de courte période, de 40 minutes environ, coexister avec
celles de Morges; à une ou deux reprises, le 3 février, de 45h40 à
45h30, le 30 septembre, de 44h40 à 42h40, le 9 mars, à 43h55, il y a
opposition évidente des sommets des seiches de 40 minutes. Mais
cette opposition n’a pas toujours lieu. Ces observations ne suffisent
pas pour donner une démonstration définitive.
Serons-nous plus heureux en appliquant à ce problème la formule
de M. P. du Boys? — Il semble que rien n’est plus facile, étant
connue la carte hydrographique d’un lac, que de calculer la durée du
balancement de l’eatf. Mais ce qui serait très simple pour un bassin
régulier, .devient beaucoup plus compliqué dans le bassin accidenté
d’un lac. Nous avons déjà vu cette difficulté à propos des seiches
longitudinales; nous la retrouvons ici, et plus grande encore, pour
nos seiches transversales. En effet, quelle est, dans le Léman qui
nous occupe, la section que nous devons considérer ? quel est le profil
vertical qui détermine par sa longueur et sa profondeur la durée de
l'oscillation transversale du lac ? Il est évident que c’est la masse
entière du lac, disons provisoirement du Grand-lac, qui oscille dans
un mouvement de balancement d’une rive à l’autre. Mais le Grand-lac
n’a pas partout la même largeur, ni la même profondeur; son profil
transverse est très différent d’un point à l’autre. J’ai fait trois essais
de calcul par le procédé Paul du Boys :
4° Sur le profil transverse de la plus grande largeur du lac, du fond
du golfe de Morges à la côte d’Amphion. Ce profil, de 43.8km de
longueur, passe au début de la rampe ascendante de plafond du lac (”2) ;
il atteint cependant la plaine de grande profondeur de 300m à son
angle occidental. Le calcul me donne pour des seiches uninodales,
suivant ce profil, une durée de 46 minutes environ.
2° Sur le profil Ouchy-Petite Rive, à travers le milieu de la plaine
centrale des grandes profondeurs du lac. Ce profil a 44.2km de
longueur; il donné, pour la durée des oscillations uninodales, une
durée de 44.4min.
6) [Xoc. cit. p. 62, n° 2.] Pl. XIV.
(2) T .I, p. 52.