Quant aux grandes seiches historiques, celles de Fatio de Duillier,
de H.-B. de Saussure, de Veinié, avec leur hauteur dépassant 1.4“ et
l.gm (voir pages 41 et suivantes), je veux croire qu’elles se ramèneraient
probablement de la même manière, si nous avions plus de
détails d’observation, à des dimensions en rapport avec les variations
possibles de la pression atmosphérique. Elles ont toutes été mesurées
à Genève, c’est-à-dire dans une station où le relief géographique du
lac amplifie les dénivellations de quatre fois environ leur grandeur
normale ; elles ont été mesurées dans le port ou dans le Rhône, en un
point où, comme nous l’avons vu pour les seiches de la machine
hydraulique, il y a des conditions locales de surexagération de la hauteur
des dénivellations. Pour peu qu’il y ait eu en même temps dicro-
tisme des seiches, c’est-à-dire interférence de deux vagues qui se
surajoutent dans leurs conjonctions favorables (*), il n’y a plus aucune
difficulté dans la hauteur extraordinaire de ces seiches historiques.
Ajoutons que ces grandes seiches ont eu lieu en temps d’orage. Les
seiches de Fatio de Duillier (16 septembre 1600) ont coïncidé avec un
orage : « Depuis le matin jusqu’à l l h, après plusieurs grands tonnerres,
le Rhône fit en 3 ou 4 reprises une espèce de flux et de reflux. » De
même lés seiches de H.-B. de Saussure (3 août 1 /63) ont été précédées
« par un orage considérable qui avait fondu à 15 Va1’ sur la ville
de Genève » ; les seiches ont été observées vers 17''. De même les
seiches de Bastard (5 juillet 1788) : « le temps fut orageux entre 6 et
7h », et les seiches étaient énormes à 8 1/2h. De même les seiches de
Veinié (2 et 3 octobre 18411 : « la journée du 2 octobre s’est terminée
par un orage violent » à la suite duquel les seiches extraordinaires
ont commencé à apparaître. De même, pour toutes les seiches assez
grandes, pour que l’on en ait conservé la mémoire.
Dans ces seiches historiques, nous n’avons pas d’observations barométriques
assez détaillées pour que nous puissions suivre à une
démonstralion complète ; nous, avons vu que le tracé d’un baromètre
enregistreur est nécessaire pour dessiner les variations rapides
qui donnent l’impulsion des seiches. Mais le calcul que nous venons
de faire à propos des plus grandes seiches connues dans la période
moderne, celles du 20 août 1890, suffit à prouver, semble-t-il, avec
-évidence, que nous avons dans les variations locales de la pression
(*) Cela semble probable pour les seiches de Saussure, de Veinié, pour autant
<ju’on peut en juger par la durée des oscillations.
atmosphérique en temps d’orage, une cause suffisante de la production
des seiches observées.
L e s s e ic h e s e t le v e n t.
Le second phénomène mécanique de la perturbation atmosphérique
est le vent ; qu’il soit cause, qu’il soit effet de la perturbation,
nous ne le discutons pas ici. Toujours est-il que le vent peut être
l’origine de dénivellations et de dénivellations considérables de la nappe
d’eau ; l’eau est déprimée dans la région sur le vent, elle est soulevée,
accumulée dan s la région sous le vent ; il y a dénivellation continue
{voyez p. 29 sq.) Or si le coup de vent est subit, ou s’il cesse subitement,
si la vitesse de l’apparition ou de la disparition du phénomène
est en rapport avec le rythme du balancement de l’eau, il semblerait
qu’il puisse y avoir mise en oscillation de la masse du lac, balancement
de l’eau, production de seiches; le même raisonnement que nous
avons fait pour les seiches causées par les variations locales de la pression
atmosphérique paraît ici valable. Un coup de vent subit peut
mettre l’eau du lac en état de balancement, comme nous mettons en
balancement l’eau d’une cuvette sur laquelle nous soufflons brusquement.
Etant connus les deux types de vent, la seiche de première impulsion
causée par un coup de vent subit doit être en décrue locale
dans la région sur le vent où frappe un vent de refoulement, en crue
locale dans la région sous le vent où commence un vent d’appel.
Mais, dira-t-on, il est inutile de distinguer l’action du vent de celle de
la variation locale de pression atmosphérique ; ces deux actions doivent
être les mêmes ou tout au moins se surajouter. Le vent étant
refoulé loin du centre de pression forte, ou attiré vers le centre de
pression faible, la dénivellation causée par le vent doit être de même
direction que celle causée par la pression atmosphérique. Dans les
deux fluides superposés, l’eau et l’air, l’effet doit être de même sens et de
même direction. — A cela je répondrai que le vent n’a pas nécessairement
une action de même sens que la variation de pression. Dans le
cas de l’orage local avec des vents divergeant centrifugalement, oui,
la direction est la même : pression atmosphérique plus forte sous le
-centre de l’orage et vent divergent amènent l’un et l’autre une décrue
du lac sous la perturbation. Mais dans le cas du cyclone, ouragan-
cyclone ou trombe, le vent n’est pas directement centripète; il tourbillonne
eh spirales vers le centre, mais la direction des ondes aérien-
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