J’ai séparé les expériences ci-dessus en deux séries, l’une pour 1 été,
l’autre pour l’hiver, et si j’appelle lim ite d ’o b s c u r ité a b so lu e
pour le chlorure d’argent, la profondeur à laquelle les rayons solaires
ne colorent plus ce sel, j’ai pu l’établir à environ 45® pour l’été,
environ 100® pour l’hiver. J’avais donc ainsi la confirmation de mes
observations sur la limite de visibilité qui attribuaient une plus grande
transparence aux eaux d’hiver.
La comparaison entre les deux expériences du 23 décembre 1873 et
du 23 février 1874, faites à la même profondeur, montre Combien
l’intensité d’action s’est augmentée d’une date à l’autre. Quant aux
trois dernières expériences, par 68, 80 et 93®, elles montrent toutes
les trois que j’étais très près de la limite. Mais la décroissance d effet
photographique était-elle due à une plus grande limpidité de l’eau, ou
bien signifiait-elle simplement que la décroissance d effet était presque
insensible près de cette limite d’obscurité absolue? Je ne pouvais
donner de réponse assurée à cette interrogation.
La question était fort importante. En effet, je devais me demander
s’il y aurait réellement une limite d’obscurité absolue ? si la lumière
pénétrant dans le lac ne diminuerait pas progressivement, mais sans
devenir jamais nulle? si la courbe exprimant cette décroissance de
l’éclairage ne serait pas une asymptote, c’est-à-dire qu’elle se
rapprocherait sans cesse du point de zéro, mais sans l’atteindre
jamais. Q) •
Dans ces premières expériences, il y avait une cause d’irrégularité.
Je laissais reposer mon appareil photographique sur le sol,
et pour obtenir des profondeurs variant de 27® à 93™, j’avais
cherché des points de pose très inégalement éloignés de la rive.
Or, comme nous l’avons vu, la variation locale est souvent très
importante.
Pour répondre à ces questions, pour corriger cette cause d’irrégularité,
pour compléter nos connaissances sur la pénétration de la
lumière dans le lac, j’ai cru devoir recommencer en 1887 une nouvelle
série d’expériences. J’ai fait construire une dizaine d’appareils
photographiques que j’ai attachés à la même ligne de sonde, à des inter-
vallès de 10® en 10®, et j’ai renouvelé l’expérience chaque deux mois
(h L a décroissance de la transmission d’une radiation simple dans un milieu
absorbant est exprimée par une exponentielle (H. Dufour).
d’une année entière, en l’opérant toujours au même point du lac, par
130® de profondeur, à 3.5kil en avant de Morges. (f)
Voici les résultats numériques de cette série d’expériences exprimés
en durée en secondes d’exposition à l’air, d’après une échelle construite
le 4 mars 1888, à midi, par un jour de grande limpidité de
l’atmosphère.
Effet photographique dans le lac, en numéros de l’échelle
du 4 mars 1888.
8-9 11 5-7 6 9-12 4-6
PROFONDEUR Mars . Mai Juillet Septembre Novembre Mars
20” .seç. 400 |iec 400 sec 500 sec - 500 ses
. 25 400 11 Sj§ .--y-;- - v fl 1
30 — — ‘60 250 400 500
35 ■ v : ; ü ‘. /■_ 250 — ■- — v__
40 -• V voile 20 120
45 . Sgelai 40 ' — • . • . ; _.
50 1H . 0 0 60 400
55 «BBli 10 0U Ï-: . . — ' - 360
60 ' -— —- 0 0 30 ■HH
'65 150' 2 |||||g ; -'r- : . 120
- 70 y V— '. • S i 0 0 10 ■--1 1— ’ 1
75 40 voile — — - 60
80 — o — 1 voile _
85 25 0 ■ - — 25
90 jÉjÉMi I— V. • 0 0 _
V . 95 5 0 P h i l i p _ _ 10
100 S lSSp — _■ 0
105 0 — mm 9 _ %
110 ■ n n n . 0
115 0 — ■ 1 0
Pour ne pas trop surcharger mon tableau, j’ai groupé les résultats
le s expériences en profondeurs de 5 en 5 mètres . J’ai désigné par le
mot v o ile les cas où l’effet photographique, encore appréciable à l’insf1)
Yoici un ou deux détails du manuel opératoire qui peuvent être utiles. Les
dix appareils suspendus de 10 en 10™ à la ligne de sonde sont fort lourds ; pour
les soutenir, il faudrait une trop grosse bouée qui, menacée d’être entraînée pa r les
vagues et courants, demanderait un ancrage excessivement fort. Pour éviter cette
surcharge, je fixe à la corde, de la sonde Un ou plusieurs ballons de verre soigneusement
bouchés (le ballon de la lampe du cordonnier), en les attachant assez bas
pour qu’ils soient noyés sous l'eau ; il en faut mettre assez pour que la corde soit
tendue depuis le plomb d’ancrage ju sq u ’à ces flotteurs, afin d’assurer la verticalité
de la chaîne d’appareils. Une bouée très légère qui doit échapper à la curiosité
des bateaux de promenade ou de pêche m’aide à retrouver l’appareil, dont la
position est du reste établie par l’entrecroisement d’alignements pris sur le
rivage.