renvoyais à plus tard la détermination de la limite d’action des vagues
dans les profondeurs du lac. La limite d’action utile des vagues dans
le Léman est donc par 8 à 10 mètres environ.
Largeur des rides. J’appelle largeur des rides, la distance qui sépare
les arêtes de deux rides voisines.
Les rides de fond varient de largeur dans des limites assez étendues ;
depuis 2 à 40 centimètres, je connais dans notre lac toutes les dimensions
intermédiaires. 0
La largeur des rides dépend essentiellement de la nature du sol. Là
où le sol est vaseux, comme sur les talus du mont, ou certaines anses
de la beine, les rides sont le moins larges ; là où le sable est fin, elles
ont une largeur moyenne; là où le sable est grossier, elles ont le
maximum d’espacement. Un fait démonstratif à ce point de vue, c’est
la permanence des dimensions des rides dans la même localité. Je
connais, par exemple, à côté des ruines de la grande cité lacustre de
Morges, un point où le sable, très grossier, présente de grandes rides
de 38 centimètres de largeur ; je les connais depuis l’année 1854, époque
de nos premières pêches d’antiquités, je les ai revues fréquemment,
et j ’ai constaté qu’elles ont toujours conservé les mêmes dimensions
extraordinaires. — Sur le banc du Travers, près de Genève, il y
a de même un groupe de grandes rides que j’ai retrouvées à plusieurs
reprises, à bien des années d’intervalle.
De ces observations il semblerait résulter-queTintensité des vagues
a bien peu d’influence sur la largeur des rides ; que la nature du sol
est le seul facteur important. Et, en réalité, quelque violentes qu’aient
été les vagues, je n’ai jamais observé, après la tempête, de variations
importantes dans la largeur des rides, dans les localités où je les
observe habituellement.
Nous avons vu cependant, d’après mes expériences ën bassin Clos;
que la largeur des rides dépend du trajet parcouru par les grains du
sable dans les mouvements de balancement de l’eau ; que ce trajet est
en fonction directe de l’amplitude de l’oscillation, et de la vitesse du
courant de balancement, et en fonction inverse du volume et de la
(*) Gomme nous te verrons plus loin, la grandeur apparente des objets placés
dans l’eau sous une couche de quelques mètres dépasse de près d’un tiers leur
grandeur réelle. L ’on attribue ainsi volontiers aux rides de fond une largeur trop
forte, si l ’on n ’a pas pris la précaution de prendre une mesure exacte, à l’aide
d’un mètre descendu dans l’eau, ou d’opérer une correction à -l’appréciation faite
au juger.
densité des matériaux. Gomment se fait-il que dans la nature, dans le
lac, la largeur des rides soit uniquement en relation avec la constitution
du sol, sans que l’intensité des vagues semble y entrer en rien; comment
les sables les plus grossiers donnent-ils les rides les plus larges ?
Cela semble en contradiction avec la loi que je viens de rappeler.
Gela, s’explique par l’intervention d’un autre fait que nous avons
signalé plus haut, à savoir que les rides ne s’établissent pour chaque
grosseur de sable que par une intensité moyenne d’oscillation ; que
pour chaque grosseur de sable, les courants, trop faiblès ne déplacent
pas les grains, que des courants trop forts les soulèvent trop et les
tiennent en suspension dans l’eau. Plus le sable est grossier, plus
cette intensité relative des courants, qui peut permettre l’établissement
des rides, doit être forte ; ce ne sont que de très puissantes vagues
qui peuvent soulever le gros sable de certaines beines du littoral.
Par conséquent, pendant une violente tempête, les sables très
grossiers peuvent être ordonnés en rides au moment des plus fortes
vagues ; pendant ce temps, les sables plus légers sont bouleversés et
soulevés comme des poussières qui salissent l’eau. Ce ne sera que
plus tard, lorsque les vagues auront diminué d’intensité,- que les rides
se dessineront sur les sables moyens, et seulement enfin, loisque les
vagues, seront devenues'très faibles, que les sables les plus fins et la
vase se déposant sur le fond, les rides commenceront à s y
développer.
Ainsi à chaque grandeur des vagues correspond une grosseur du
sable qui peut être modelé en rides ; pour les autres grosseurs, 1 effet
des mêmes vagues est ou nul ou -trop violent, il n est pas efficace.
Quant à la largeur des rides qui s’établiront ainsi, elle sera déterminée,
comme nous l’avons vu plus haut, par le trajet des grains de sable
soulevés dans le mouvement de balancement de l’eau.
D’une autre part, comme l’intensité des vagues va en décroissant
de la surface de l’eau vers la profondeur, à mesure que la profondeur
augmente, les vagues ne sont plus capables de soulever que des sables
de p lu sc n plus légers. Aussi voyons-nous en général la largeur des
rides diminuer à mesure que la profondeur augmente ; les rides que
j’ai vues à l’extrême limite, sur les flancs du mont, étaient fort étroites.
Ainsi se résout d’une manière satisfaisante la contradiction apparente
qui nous arrêtait ; ainsi s’explique la relation constante observée
dans le lac entre la largeur des rides et la nature du sol-.