précipité rend verdâtre ou jaunâtre à la lumière transmise l’eau qui,,
par elle-même, serait bleue. Cette expérience fondamentale faite,
M. Spring a cherché à en démontrer l’application à la théorie de la couleur
des lacs, et il s’est attaché à reconnaître la différence de luminosité,
d’éclairage des eaux différemment, colorées de divers lacs. 11 a
reconnu par des observations sur les lacs de Kandersteg (bleu pur), de
Lucerne (vert), de Brienz (jaunâtre), que la quantité de lumière renvoyée
par l’eau est d’autant plus grande que la teinte du lac s’éloigne
plus du bleu.
Elle est de 1.00 pour le lac bleu de Kandersteg.
—- 1.09 — vert de Lucerne.
¿rSy; 1-27 — jaune de Brienz.
Cette dernière, expérience ne me paraît pas juger la question. Elle
montre simplement qu’il y a des différences dans la limpidité de ces
eaux. En effet, si l’eau pure absorbe progressivement la lumière qui la
traverse, plus l’eau est limpide, plus grand est le trajet que font les
rayons lumineux avant de rencontrer une particule étrangère qui la
réfléchisse, plus grande est l’absorption avant que la diffusion se fasse,
plus faible est la quantité de lumière diffusée, et par conséquent émise
par le lac. Une eau limpide est peu lumineuse, une eau opaque l’est
beaucoup. S’il y a beaucoup de lumière réfléchie, cela prouve qu’il y a
beaucoup de lumière diffusée, et par conséquent que cette eau contient
beaucoup de poussières. Or, en réalité, on sait que le lac bleu de Kandersteg
est, avec le lac bleu de Lucel, la masse d’eau la plus limpide de
la Suisse; le lac de Lucerne est de limpidité moyenne, le lac de Brienz
a de l’eau presque louche.
Qu’il y âit des rapports entre la transparence des eaux et certains
faits de leur coloration, cela me paraît incontestable. Dans le Léman,
j’ai toujours vu en hiver, où les eaux sont le plus limpides, le bleu plus
foncé, plus saturé, arriver quelquefois au n° III de la gamme ; en été,
au contraire, dans ses eaux semi-opalines, le bleu se rapproche du n° V.
D’une autre part, les lacs verts semblent moins transparents que les
lacs bleus, toutes choses égales d’ailleurs ; c’est ce qui résulte des notes
isolées que j’ai sur la transparence des eaux de divers lacs; c’est ce
qui résulte surtout de la comparaison très complète que nous avons
pu faire de la transparence du Bodan et du Léman, ces deux lacs ayant
été étudiés par les mêmes méthodes. J’ai donné, page 440, les chiffres
d’après lesquels, soit pour la limite de visibilité, soit pour l’obscurité
absolue, on arrive à des valeurs deux fois plus profondes pour le
même effet dans le Léman que dans le Bodan.
Je citerai encore dans cet ordre de faits les recherches de
M. Krümmel dans l’Atlantique qui ont fourni comme profondeur
moyenne de la limite de visibilité des chiffres plus forts dans les eaux
bleues que dans les eaux verdâtres (*) :
Pour le n° I gamme Forel, limite de visibilité 26.7m
II 23.2
III et IV 16.2
V et VI 15.8
Il parait donc probable qu’il y ait certaines relations entre la transparence
et la nuance de l’eau ; que moins l’eau est transparente, plus
elle a de tendance à virer vers le vert. Nous avons vu que la cause
principale de l’opalinité de l’eau réside dans les poussières aquatiques ;
par conséquent, la diffusion sélective de Soret, causée par ces poussières,
joue un certain rôle dans la coloration de l’eau.
Mais est-elle seule en jeu ? En est-elle le facteur prédominant? — Si
le vert de l’eau est dû à des particules solides en suspension dans
l’eau, une filtration soigneuse de cette eau verte devra la faire revenir
au bleu. La question est d’intérêt capital; c’est à l’expérience à y
répondre.
J’ai soumis les eaux de divers lacs, différemment colorés, à une filtration
très parfaite dans des conditions identiques de pression et de
porosité du filtre. Pour cela, j’ai employé les filtres en porcelaine
recuite, connus sous le nom de filtres Ghamberland, qui arrêtent même
les microbes ou leurs germes les plus ténus. J’ai disposé mon appareil
de telle sorte que la pression de l’eau à filtrer fût toujours la même.
Puis j’ai étudié lqs eaux ainsi parfaitement limpides dans un tube de
Bunsen de 6“ de long, et j ’en ai apprécié la nuance à l’aide de la
gamme de couleurs. Pour plus de précision, au lieu d’indiquer les couleurs
en numéros de ma gamme, qui sont trop espacés, je les donne en
tant pour cent de la solution jaune dans la solution bleue.
f1) [Loc. oit. p. 468], Les observations de la Gazelle semblent amener au même
résultat.