Il y a donc des lacs à eaux bleues, il y a des lacs à eaux vertes.
Quelle est la cause de ces différences ?
Avant tout il y a une question préjudicielle à résoudre : Gomment
l’eau d’un lac peut-elle paraître bleue ou verte, quand le fond du lac
est noir ? Nous avons vu dans un paragraphe précédent que dans les
grands fonds du lac la lumière ne pénètre plus et que les couches profondes
doivent être sans lumière, par conséquent noires. Un corps
transparent vu sur fond noir doit paraître noir. Si dans le tube de
Bunsen nous regardons à travers l’eau une surface noire, nous ne
voyons que du noir.
Si l’eau était physiquement pure, il en serait de même dans les lacs
(à supposer que le fond restât noir, et ne reçût pas la lumière qu’aucun
obstacle n’arrêterait sur son passage) ; l’eau nous paraîtrait noire et
incolore. Mais l’eau n’est pas pure; elle contient les myriades de poussières
que nous avons étudiées à propos de la transparence. Ces poussières
arrêtent la lumière et la renvoient sous forme de lumière diffuse
qui revient à l’oeil de bas en haut ; chacune de ces poussières représente
un petit écran blanc ou blanchâtre qui réfléchit la lumière. Elles
se superposent optiquement et nous empêchent de voir le noir du
fond de l’eau.
Mais chacune d’elles, en nous renvoyant de la lumière, fait l’effet de
la plaque blanche de l’expérience du tube de Bunsen la lumière
blanche, en.traversant l’eau de retour, se change en lumière colorée, et
si l’épaisseur d’eau est suffisante, si la moyenne de ces trajets de
retour est supérieures 6m, la couleur doit être la couleur de l’eau.
D’une autre part la lumière qui est renvoyée par les poussières n’est
pas de la lumière blanche ; elle a déjà été altérée par le passage à travers
l’eau qui a absorbé tout ou partie des rayons rouges et jaunes,;
c ’e s td e la lumière bleuâtre qui éclaire les poussières entre deux eaux.
De là encore une cause de renforcement des nuances bleues de la
lumière diffusée dans l’qau du lac.
ammoniacale. Gomme base ,il prend la solution verdâtre d u n ° XI de ma gamme
et obtient les numéros XI à XXI pa r les mélanges suivants.
x i x i i x in xiv xv xvi x v i i x vm xix x x xxi
Solution v e rte . . . 100 98 95 91 86 80 .73 65 56 46 35
Solution brune . . 0 . 2 5 . 9 14 20 27 35 44 54 65
Cette gamme du Dr Ule est d’un excellent usage pour'les eaux tourbeuses des
petits lacs alpins. (W. Ule. Die Bestimmung der Wasserfarbe in denSeen. Peter-
rnann’s Mitth. 1892. 70.) Voyez; encore Petermann’s Mitth. 1894. 213.
Le ton sera du reste d’autant plus abaissé, ou lavé de blanc, que le
nombre de ces poussières sera plus considérable ; si elles sont nombreuses,
elles arriveront à faire un écran complet avant que l’épaisseur
du trajet soit tel que la couleur très faible de l’eau n’apparaisse. Si
elles sont rares, il reviendra, assez de lumière diffuse des profondeurs
suffisantes pour que la couleur de l’eau devienne évidente. Dans les
eaux très limpides, l’écran n’arrive même pas à se former entièrement,
et le noir des grands fonds vient élever le ton (ou le rabattre dans la
langue des peintres).
C’est donc à la diffusion de la lumière sur les poussières en suspension
dans l’eau qu’est due l’apparition de la couleur propre de l’eau
pour l’observateur .qui navigue en bateau sur un lac, ou dont le regard
plonge d’un point élevé, de Glion ou de Naye sur le Léman, du Bur-
genstock sur le lac de Lucerne. 0
Dans l’étude de ce problème : Pourquoi certains lacs sont-ils verts,
■d’autres bleus? je crois bien faire de scinder la question en deux
parties : l’une la détermination de la couleur normale fondamentale
de l’eau ; l’autre la détermination des causes qui font dévier cette couleur
dans les nuances caractérisant les diverses eaux.
Quelle est la couleur propre de l’eau, de l’eau pure, de l’eau distillée
? La réponse en a déjà été. donnée en 1847 par B. Bunsen (2) qui,
•à l’aide de son tube, a reconnu que c’est le bleu, le bleu azur, le bleu
du ciel. Cette constatation a été confirmée par toutes les recherches
■entreprises depuis lors ; Soret (3) et W. Spring (4) en particulier en
distillant l’eau avec toutes les précautions possibles, en la laissant
reposer indéfiniment longtemps, ont obtenu du bleu d’autant plus
azuré que l’eau était plus pure.
D’après cela, se serait l’eau des lacs bleus qui se rapprocherait le
plus de la couleur de l’eau pure. Le Léman, le Benaco, l’Achensée, les
lacs bleus de Lucel et de Kandersteg auraient presque la couleur de
l’eau distillée. Les lacs verts s’en écarteraient le plus.
.(’) V. E. Rambert. Le rayon bleu, Bibliothèque universelle I I 385, Lausanne 1879.
(2) R. Bunsen. Pseudo-vulkanische Êrclieinungen Island’s. Annal, d. Ghemie u.
Pharm. LXII, 44,1847.
(3) J.-L. Soret. Sur la couleur de l’eau. Arch. Genève, XI, 276, 1884.
(4) W. Spring. La couleur de l’eaù. Bull. acad. r. de Belgique, V. 55, 1883.