Je n’ai pas eu l’occasion de faire moi-même des mesures d’angle
analogues à celles de Dufour. Mais toutes mes observations sont d’accord
avec les faits généraux que je viens d’analyser.
J’ajouterai que d’après mon impression subjective, malheureusement
non appuyée par des mensurations directes, la grandeur du mirage
n’est pas toujours proportionnelle à la différence de température entre
l’air et l’eau. J’ai vu des mirages énormes quand cette différence était
peu forte, et des mirages très faibles quand l’air était très froid sur un
lac très chaud.
7° J’ai un procédé fort simple d’apprécier sans instruments, je ne
dirai pas la grandeur, mais l’intensité des mirages, Je cherche le rapport
entre la hauteur h' de la tangente réfractée d’un point de distance
connue qui est à l’horizon apparent, et la hauteur h de la tangente de
ce même point S’il n’y avait pas de réfraction. (*)
Pour la hauteur h' je choisis un point saillant d’une côte peu éloignée
et je cherche, en élevant progressivement l’oeil au-dessus de l’eau,
le moment où j’arrive à voir ce point à l’horizon ; c’est la limite entre
les hauteurs inférieures où je vois encore le mirage sous le point visé,
et les hauteurs supérieures où le point visé est dominé par la ligne de
l’horizon.
Un calcul très simple (voyez p. 6) me donne la hauteur h à laquelle
la même tangente aurait passé en l’absence de toute réfraction.
Voici quelques observations qui expriment ainsi l’intensité, des
mirages :•
tem p é ra tu re h'
1889 Point visé. Distance, de l’air, du laciiv y ft h' h
14 décembre Pointe du Boiron 1 6 0 0m ; -|- 1.5 -j- 5.6 0.20m 2.5m 12.5
16 ■ V id. id. 2.0 -|- 5.4'0.20 1.9 9.5
16 » , Pointe de la Venoge 2100 -)-2.0ra- 5.4 0.35 2.3 6.5
17 » id. id, 0.0 + 5.2 0.35 3.0 8.6
17 » Pointe du Boiron 1600 0.0 + 5.2 0.20 2.4; 12.0
Si mon procédé est bon, et il me le paraît, les chiffres qu’il donne
’ montrent qu’il n’y a pas nécessairement proportion entre l’intensité du
mirage et les différences de température du lâc et de l’air.
8° L’image réfléchie du mirage est toujours d’une netteté parfaite,
ce qui la distingue très facilement des images de réflexion avec lesquelles
une observation insuffisante pourrait la confondre.
L. Dufour (i) indique un moyen élégant de séparer les deux
images qui dans certains cas de lac très calme pourraient se superposer:
c’est remploi de la lumière polarisée. En regardant à travers
un prisme biréfringent les images superposées, il rendait plus sombre
la partie inférieure de l’image due à la réflexion (c’est de là lumière
fortement polarisée); il laissait sans altération de ton la partie supérieure
due à la réfraction du mirage (lumière non polarisée).
, 9° C est à la stratification thermique d’ordre inverse que la production
des réfractions sur eau chaude et du mirage doit être attribuée.
Louis Dufour, dans ses études de 1854, a voulu vérifier le fait et constater
les variations de la température de l’air au contact avec une eau
plus chaude que l’air ; à bord d’une nacelle, avec les précautions convenables,
il a mesuré la qhaleur de l’air à différentes hauteurs au-dessus
du lac. Il a reconnu une stratification thermique constante dans les
heures de la matinée des mois de septembre et octobre 1854 ; l’air est
réchauffé à son contact avec l’eau, et ce réchauffement décroît d’inten-
site jusqu’à une hauteur de 1 à 2m, où la température devient uniforme.
Je citerai une seule des très nombreuses observations qui ont établi
cette loi :
5 octobre 1854. 7ll30rnln. , Tempérât, de l’eau 15.6°.
au-dessus de l’eau Température de l’air.
0.0m 12.28o
0.1 11.96
0.2 11.65
0.4 11.38
0.6 11.24
0.8 11.20
1.5 11.11
1.8 11.11
En appliquant à cette progression la formule classique de Bravais
qui exprime la variation de densité de l’air à son contact avec une surface
réchauffée, L. Dufour a reconnu que cette formule s’applique parfaitement
aux faits observés par lui.