— J’ai dit que l’intensité de l’éclairage des objets plongés dansTeau
avait peu d’importance sur leur visibilité. Cela est vrai pour la profondeur
limite de visibilité. Cela ne l’est plus lorsqu’il s’agit de discerner
des objets sur le fond, comme nous le faisons dans nos pêches d’antiquités
lacustres sur les ruines des palaffites. Ces recherches se font à
de petites profondeurs, sous 3 à 4m d’eau. Dans ce cas, 1 éclaii âge
direct par le soleil aide puissamment à séparer par le regard des corps
solides, uniformément colorés par une teinte grisâtre ; c’est leur relie!
seul qui les tait reconnaître? et l’ombre portée par les parties saillantes
dessine le mieux leurs formes. Sitôt que le soleil était assez bas sur
l’horizon pour que les rayons réfractés n’atteignissent plus le sol, nous
étions obligés d’interrompre la pêche qui était facile un moment auparavant,
tant que le soleil éclairait directement le fond.
Indépendamment de la perturbation locale apportée par les eaux torrentielles
d’une pluie d’orage, la transparence des eaux du Léman
varie dans deux conditions : il y a des v a r ia tio n s ré g io n a le s , certaines
parties du lac sont plus limpides que d’autres, il y a des v a r ia tio
n s s a is o n n iè r e s . Indiquons d’abord le sens des secondes qui
sont fort importantes.
Variations saisonnières.,
Nous y avons été rendus attentifs en pratiquant nos pêches d’antiquités
lacustres dans les stations de Morges; il y a, au point de vue de
la transparence de l’eau, une différence saisissante de régime entre
l’hiver et' l’été. Pendant les mois d’été, il est absolument impossible de
voir le fond, et par suite de recueillir des monuments antiques que
l’oeil doit aller chercher dans les ruines des cités lacustres, sous trois
à six mètres d’eau ; en hiver, au contraire, l’eau est généralement assez
limpide pour permettre une pêche fructueuse. Quand en hiver les eaux
ont été salies par l’agitation des vagues et par l’apport de l’eau boueuse
des affluents, cette opacité ne dure pas longtemps; le brouillard aquatique
ne tarde pas à se précipiter, et en quelques jours le lac se clarifie.
En hiver les eaux sont normalement claires; en été elles sont toujours
troubles ou plutôt opalines.
A quelle époque ont lieu ces changements de régime1? J’en donnerai
une idée en cherchant, sur le registre des pêches d’antiquités lacustres
faites à Morges par mon père et par moi, la.date de la première et de
la dernière trouvaille de chaque hiver.
4854
Dernière pêche
de l’hiver
22 mai
Première pèche
de l’automne
1855 20 avril A-'
1856 ■ 31 mars —
1857 mai —
1858 4 juin 21 septembre
1859 3 avril 18: octobre
1860 — 23 octobre
1863 2 avril i':ZÿSÇ£:j
1864 — 2 novembre
1866 11 avril —
1868 2 mai —
1869 14 avril 11 octobre
D’après ces dates, la saison des pêches lacustres à Morges s’étendrait
d octobre à avril, la saison morte de mai à septembre.
Pour préciser des variations de transparence, j’ai employé la
méthode du disque du Père Secchi, dans les années 1874 et 1875, en
«liant, aussi souvent que possible, mesurer la limite de visibilité devant
Morges, à. 500™ de la rive par 25m de profondeur. (‘)
Voici, page 418, en les groupant par mois et par saisons, les moyennes
de 46 expériences comparatives.
Nous avons là, exprimée en chiffres d’une manière évidente, la différence
de limpidité qui distingue les eaux de l’été de celles de l’hiver.
Les ■premières me donnent, si je partage l’année en deux saisons,
h fin d’avril-et fin de septembre, une limite de visibilité moyenne
de 6.6®, les secondes, les eaux d’hiver, une limite de visibilité de
12.7m
Nous chercherons plus tard les causes de cette variation annuelle de
(*) Outre les variations régionales très importantes que nous étudierons bientôt
il y a des différences fort évidentes d’un point à l’autre de la même côte. Dans lé
littoral, sur la berne, les eaux sont souvent sales et poussiéreuses ; les vagues d ’une
tempête ont soulevé la vase du bord, et pendant plusieurs jours les eaux peuvent
rester louchies; les eaux des affluents troublés p a r une crue se mélangent par
1 action des vagues aux eaux littorales ; ‘ les eaux des'égouts polluent les eaux •
devant une ville, les eaux sont toujours moins limpides qu’en plein lac ou sur une
côte non habitée. Pour éviter ces perturbations locales, il est prudent d’aller étu-
e u e rla transparence des eaux en plein lac, à une distance suffisante de la rive et
toujours au même endroit. Cela justifie le choix que j ’ai fait de mon lieu d’obéer