entre Rivaz et St-Saphorin, le 1er mars devant Lutry. Mais, sauf dans
le golfe de Territet où elle persistait en partie pendant la journée,
la glace n’avait qu’une très faible épaisseur, quelques millimètres à
peine, et fondait aux premiers rayons du soleil.
Quelétaitalorsl’étatthermique du Léman? Les sondages thermométriques
nous l’apprennent. Le 21 février, au large d’Ouchy, la surface de
l’eau était à 4.4°, et jusqu’à 150m de profondeur je trouvais 4.1° (sondage
n° 45). Le 23 février, soit au Bouveret, soit à Vevey, je trouvais
encore 4.2 à 4.1° à la surface (sondages nos 46 et 47). Dans les couches
profondes, le thermomètre descendait à 4°. 11 y avait donc en plein lac
la stratification thermique directe. Mais les radeaux de glace qui se formaient
près du rivage y indiquaient la stratification inverse. 11 y avait
donc sur tout le pourtour du Grand-lac, à Thonon, à Morges, à Lutry,
comme à Montreux, établissement de la barre thermique littorale que
nous avons décrite p. 376.31 y a donc possibilité de juxtaposition des
deux stratifications directe et inverse, non seulement dans un golfe
étroit et ressgrré comme le Petit-lac, mais sur des côtes largement
ouvertes vers le plein-lac. Combien doivent être lents et paresseux les
courants de convection thermique' qui tendent à égaliser la température
dans les couches horizontales du lac, pour qu’une telle juxtaposition
puisse se produire dans de telles conditions !
La juxtaposition des deux états thermiques dans l’étendue du-Grand-
lac est prouvée par des mesures de température superficielle que j’ai
faites le 23 février, dans l’àprès-midi, à l’époque des plus belles congélations
du golfe de Montreux :
Golfes de Morges, des Pierrettes, de Pully, de Cully et
de Corsier, - 4.1 à 4.3“
Devant la Tour-de-Peilz 4.0
Pointe de Clärens 3.8
Golfe de Montreux 3.6
Golfe de Territet,' au bord de la glace 1 1.6
Devant Chillon 3.6
Golfe de Villeneuve 3.8
Devant le vieux Rhône, et golfe du Bouveret 4.0
D'après ces mesures et ces sondages, tandis que les eaux littorales
du Haut-lac étaient froides, la masse pélagique principale du Grand-
lac était encore de l’eau chaude, et même au moment de ces interessantés
congélations printanières de Montreux, le Léman n’est pas,
dans sa partie centrale, arrivé à l’état de congélation possible (il n’en
était pas bien loin). Le Léman appartient donc bien, jusqu’à nouveaux
faits, à la classe de nos lacs de type tropical qui ne gèlent jamais.
7. Glaçons de neige tenant sur l'eau du lac.
Un phénomène, probablement assez fréquent sur d’autres eaux,
mais très rare sur le Léman, a été observé les 14 et 15 février 1888 ;
c’est la priseyde la neige sur l’eau (*). Une abondante chute de neige
verse sur l’eau froide des flocons sans cesse renouvelés; les premiers
cristaux de neige se mouillent, absorbent de la chaleur latente en se
transformant en eau, refroidissent ainsi le liquide dans laquelle ils baignent,
amènent la couche superficielle de l’eau à zéro degré, et ralentissent
assez la fusion de leurs successeurs pour que ceux-ci persistent à
l’état de gliice jusqu’après la chute de nouveaux flocons. 11 se forme
bientôt à la surface de l’eau une crème blanchâtre de neige mouillée ;
de larges plaques, glaçons inconsistants, mous, flexibles, accumulés
en certains points par le jeu des vagues et des courants, recouvrent l’eau
d’uneco ucheplus ou moins continue. Un corps solide la traverse sans difficulté
en laissant un trou.
Pour que l’apparition puisse se produire, il faut :
a) Que l’eau soit froide, près de 0° ou tout au moins au-dessous de 4° ;
nous reviendrons sur ce point ;
b) Que la chute de neige-soit considérable et pressée ;
c)çQue l’eau soit au calme plat.
Ces conditions étaient représentées- sur le lac Léman, quand le
14 février, vers 9 heures du matin, une violente chute de neige a fait
blanchir toute notre vallée. Dès 4 heures du soir, j ’ai vu le port de
Morges couvert des glaçons de neige que je;viens de décrire ; ils ont
persisté jusqu’au lendemain matin. Le même phénomène a été vu :
dans les ports fermés de Morges, la Tour-de-Peilz, Genève, Ouchy
(nouveau port) ; dans les ports largement ouverts du Bouveret,
d’Ouchy (vieux port), de Rolle ; au fond des deux golfes de Morges
(golfe des Roseaux et golfe du Parc); enfin, ce qui est plus étrange
encore, en plein lac, de la Belotte à Tougues et à Yvoire, le long de la