retour profond tend sans cesse à rétablir l’équilibre ; mais, étant une
conséquence de la dénivellation, il ne peut s’établir que lorsque la
dénivellation a une certaine valeur, et il ne peut pas en annuler immédiatement
l’effet.
Nous étudierons plus complètement ce phénomène dans le chapitre
traitant des courants du lac.
Toute dénivellation qui élève l’eau vers la sortie du lac augmente
temporairement le débit de l’émissaire, et par conséquent tend à abaisser
la hauteur moyenne du lac ; et vice-versa. Cela nous amène aux
résultats suivants pour le lac Léman, dont l’émissaire, à Genève, est
dans la direction'du sud-ôuest : les vents' du N. et N.-E,, en augmentant
le débit du Rhône de Genève, tendent à abaisser le lac ; les vents
du S. et S.-W., en abaissant localement l’eau, à Genève, diminuent le
débit de l’émissaire, et font élever le lac.
Grâce donc à la position de l'émissaire du lac,' cette action tend à .
s’additionner à l’effet normal des vents du nord qui sont ordinaire-;
ment secs et font tarir les affluents, ou à celui des vents du snd, en
général accompagnés de pluie, et de crue des fleuves et torrents.
Cette action sur le débit de l’émissaire a-t-elle un effet, appréciable sur
la hauteur du lac? Calculons-en la valeur dans le cas le plus intense '
que nous avons rencontré, la bise du 20 décembre 1877, où la dénivellation
entre Morges et Genève a été de-125mm.
A Sécheron, nous voyons une hausse de 80mm pour une hauteur du
lac de BSjj à 1.5“ . Si le lac avait été débarré, le débit du Rhône aurait
varié pour ces hauteurs du lac de 14“ 3 se« par .décimètre de hauteur
limnimétrique soit, pour 80mm, de 11.2“ 3 5CC. Or nous savons qu’une
variation de 6.7“ 3 soc dans le débit différenciel des affluents et de l’émissaire
amène une variation de la hauteur du lac de l mm, en 24h (*)’.
L’effet maximal de cette énorme .bise du 20 décembre 4877, si le Rhône
avait été débarré, n’aurait donc pas môme fait baisser le lac. de 2mm.
Cet effet est d onc inappréciable et peut être négligé.
C’est probablement à des dénivellations analogues à celles que nous
venons d’étudier, qu’il faut attribuer les événements suivants qui nous
sont racontés par l’histoire de Genève.
« Le 9 janvier 1495, il y eut un vent tel que le Rhône remonta
dans le lac jusqu’à un quart dè lieue au-dessus de Genève,
et il semblait être une montagne d’eau, ce qui dura
l’espace d’une heure.
« Le 2 janvier 1645, entre 7 et 10 heures du matin, après
un orage qui avait duré toute la nuit, il s’éleva un vent si
violent que le Rhône rentra en partie dans le lac, en sorte
que pendant une heure, plusieurs personnes allèrent à pieds
! secs jusqu’aux chaînes qui ferment le port, et d’autres traversèrent
ie bras du Rhône qui sépare la Monnaie de l’Ile. » (l)
Ces deux accidents eurent lieu en hiver, saison où les eaux du lac
et celles du port sont très basses. Dans les deux cas, il y eut un vent
terrible, en 1645 à la suite d’un temps d’orage ; ce sont bien, il est
vrai, les conditions de production de seiches considérables, et la grandeur
de la baisse de l’eau semblerait indiquer que l’apparition devrait
être attribuée à ce genre de dénivellations. Mais il manque dans la
description la répétition du phénomène qui serait caractéristique des
seiches, et, jusqu’à meilleur avis, nous considérons comme des dénivellations
non rythmiques, les événements du 9 janvier 1495 et du
2 janvier 1645,
XI. Dénivellations temporaires rythmiques. Seiches.
Sous l’influence d’actions mécaniques diverses, l’eau du lac peut
subir une dénivellation temporaire très rapide, dont l’impulsion est
assez prompte pour qu’elle se transforme en un mouvement rythmique
d’oscillation, de balancement. Sous une impulsion violente et rapide,
l’eau subit une dénivellation qui soulève le lac à une des extrémités
en le déprimant à l’autre ; l’action dénivellatricé ne dure pas et
le lac tend à reprendre son niveau ; mais au lieu de s’arrêter à l’horizontalité,
sous l’entraînement du mouvement acquis, il dépasse ce niveau,
et pour revenir à l’état d’équilibre stable, il décrit une série
d’oscillations de plus en plus faibles. Ces oscillations rythmiques, ou
(*) Registres du Conseil de Genève, cités dans Picot, Hist.-de Genève, II, 448.