inférieure n’arrive pas à dépasser en courbure celle du grand cercle
de la terre.
Je ne crois pas faire erreur sur ce point. Mais la difficulté des observations
en temps de réfractions sur eau froide est souvent telle que je
fais mes réserves sur la rigueur de cette dernière affirmation.
4° Les objèts situés sur l’eau en dedans du cercle dé l’horizon apparent
sont déprimés. Le corps d’une barque ou d’un bateau est réduit
en hauteur; souvent il ne paraît plus qu’un trait horizontal, presque
sans épaisseur.
B. Apparence des objets situés en dehors du cercle de l'horizon réel.
1° Les objets extérieurs à l’eau, situés au-delà du cercle de l’horizon
réel, et au-dessous du plan tangent de notre oeil à la nappe liquide, qui
en l’absence de réfractions seraient, invisibles pour nous, ont leurs
rayons lumineux déviés suivant des courbes à concavité inférieure :
ils peuvent donc surmonter l’obstacle que leur oppose l’intumescence '
de la rotondité de la terre, leur image est relevée, et ils deviennent
visibles.
C’est ainsi que sitôt que les réfractions sur eau froide se développent,
nous apercevons les barques qui naviguent au-delà du cercle de
l’horizon ; nous-voyons les parties basses de là côte opposée émerger
au-dessus du plan de l’horizon et apparaître, alors que normalement
elles eussent dû être absolument masquées. Lorsque nous sommes sur
la grève de Morges, nous apercevons ainsi les maisons, dé Vevey, de
Montreux, de Villenéuve, la plaine du Rhônè, qui s’élèvent au-dessus
de la nappe de l’horizon, soulevées par le pouvoir des réfractions.
C’est cette apparition qui fut la première cause des études intéressantes
faites par les riverains du- Léman sur lès réfractions et les
mirages. Elle a fait l’objet d’un pari qui est resté célèbre dans les souvenirs
des physiciens de Morges. C’était par un jour d’été en 1851. Le
colonel Fritz Burnier et le professeur Alexandre Yersin discutaient
sur le quai du port de Morges. « On ne voit pas aujourd’hui le
château de Chillon », disait Yersin. — « On ne peut pas le voir » répondait
Burnier. —- « Mais je l’ai vu hier. » — « Vous vous êtes
trompé », reprenait le colonel ; et un calcul improvisé prouvait à son
interlocuteur qu’un rayon visuel, partant de Morges à 2m au-dessus
de l’eau, devient tangent à 5k™ de distance, et que à Chillon, à 35k™ de
Morges, il passe à 71™ au-dessus-du lac. Le château de Chillon n ’a que
45™ de hauteur ; donc il reste caché par la rotondité de la terre. —
« Mais je 1 ai vu » répétait Yersin. — Un pari fut noué ; et quelques
jours plus tard la bouteille de bière fut solennellement vidée devant
l’image parfaitement nette du château de Chillon, aux frais du mathématicien
dont les calculs, incontestablement exacts, avaient eu
cependant tort devant l’observation des faits. M. Ch. Dufour. alors
maître au eollège d’Orbe, assistait à la solution du pari eit, quand
1 année suivante il vint s’établir à Morges, son premier Soin fut
d’observer attentivement les mirages. De là ses études sur le mirage
et la Fata-morgana en 1854 (<) où il nous donna l’explication dé ces
alternances d’apparition et de disparition du château de Chillon, quand
on le îegarde de Morges, De là les recherches de son frère Louis
Dufour, en 1854 et 1855, sur les mirages vus de Villeneuve. (®)
. 2° Les objets situék au-delà du cercle de l’horizon et bas sur l’eau sont
déformés; ils apparaissent déprimés, aplatis; leurs dimensions verticales
sont sensiblement réduites. Cela .résulte des- variations de la
réfraction qui décroît à mesure que les rayons lumineux traversent
les couches réfringentes suivant un angle plus incliné. Les corps très
bas au-dessus de l’horizon sont fortement réfractés ; ils sont puissamment
soulevés ; ceux qui sont plus élevés sont moins réfractés ou ne '
le sont plus du tout. 11 s’en suit une diminution de la hauteur apparente
J e s ; objets. Les,masses- lumineuses de la côte opposée prennent
des formes aplaties, déprimées, toutes particulières, caractéristiques
des réfractions sur.eau froide; les apparences qu’elles prennent alors
permettent de diagnostiquer ces réfractions au premier regard de
celui qui connaît l’aspect normal du paysage.
Phénomènes accidentels en temps de réfraction sur eau froide.
Outre ces apparitions que je puis appeler normales, qui sont caractéristiques
des réfractions sur eau froide, il en est d’autres que je traiterai
d’accidentelles. Les unes sont assez fréquentes e t se répètent
assez souvent pour que je puisse leur donner un nom et les appeler
P) Bull. S. V. S. N. IV, 139.
(2) Bull. S. V. S. N. IV, 388, V, 36.