même le débit et la température du Rhône de Genève (*). La différence
entre les débits du Rhône de Genève et dû Rhône, du Valais,
nous pouvons l’attribuer aux affluents directs du lac auxquels nous
donnerons la température que nous avons mesurée dans la Morge pour
l’année 1889 (2). Par Un calcul dont il est inutile de publier les détails,
nous pouvons, en multipliant le débit par la température, trouver quel
est le nombre de calories apportées au lac ou enlevées à sa masse. Ce
calcul sera de peu de précision parce que ses bases se rapportent à
des années différentes; mais, si l’on ne veut pas lui demander une
approximation trop serrée, il nous donnera une idée de l’ordre de
grandeur du phénomène. En voici les résultats :
Le Rhône du Valais apporterait chaque seconde, dans le lac, un
volume moyen de 140mS, contenant 1214 mille calories. (3)
Les petits affluents dû Léman auraient un débit moyen de l l l mS s«0,
apportant une quantité de 1392 mille calories par seconde.
D’une autre part, l’émissaire emporte 251m5sec d’eau chargée de
3484 mille calories. - '
La différence entre ces deux chiffres, soit 878 mille calories, représente
la quantité de chaleur qui est emportée en moyenne, chaque
seconde, par l’émissaire en plus de la-quantité qui est apportée au lac
par les affluents. Si nous multiplions cette valeur par le nombre de
secondes de l’année, nous aurons la quantité de chaleur que le Rhône
gagne annuellement par le fait de son séjour dans le Léman ; cette
quantité's’exprime par le Chiffre énorme de : •
28 mille milliards de calories,.
c’est-à-dire, pour employer la même notation que nous avons utilisée
à propos du bilan thermique du lac, la quantité de chalèûr développée
par la combustion de 3 millions de tonnes de charbon.
Tel est l’ordre de grandeur du bénéfice que fait» le Rhône par son
séjour dans le Léman.
C’est aussi la quantité de chaleur qui est enlevée à notre pays par le
fleuve qui le traverse. La présence de Ce fleuve et de ce lac est-elle
(9 T. I, p. 445 et II, p. 309.
(9 T. I, p. 358..
(3) J ’indique la quantité de chaleur par le nombre de calories nécessaire pour
élever l’eau d ’une température initiale que je fixe à 0», jusqu’à la température
o b servée..
donc une cause de refroidissement du climat? Si le Léman n’existait
pas, notre climat serait-il plus -chaud ? — Peut-être, oui. Les hivers
seraient plus froids, mais les étés seraient notablement plus chauds et
la température moyenne en serait peut-être plus élevée. Mais le détriment
que nous subissons en perdant ainsi cette chaleur enlevée, sans
compensation, par le Rhône qui traverse le lac est peu de chose en
comparaison du bénéfice que nous donne le Léman comme réservoir
de la chaleur estivale qui est rendue progressivement pendant la saison
froide. Les milliards de calories enlevées par le Rhône de Genève,
ne sont que la seizième partie de la chaleur dégagée par le lac pendant
la saison froide de 1879-1880; ce n’en est ainsi qu’une fraction très
faible,
Si le Léman n’eût pas existé, si le Rhône augmenté de ses affluents
fût arrivé à Genève au travers d’une plaine, sans y arrêter ses eaux
dans la cuvette d’un lac, le Rhône y aurait-il bénéficié au point de vue
de. la chaleur, ou y aurait-il perdu? Pour répondre à cette question,
transformons les chiffres de notre calcul. Les 251m3s6c que débite
l’émissaire de Genève emportent un excès de 878 mille calories sur
celles apportées dans le lac par la même quantité d’eau des affluents ;
l’eau des affluents s’est donc réchauffée en moyenne de 3.5° pendant
son séjour dans le Léman. Si le lâc n’-eût pas existé, si le Rhône du
Valais eût continué son parcours à travers une plaine basse jusqu’à
Genève, ne se fût-il pas réchauffé autant et plus ? Quand je constate
que le Rhône de l’été qui, pour la plus grande part est d é 'l’eau de
fusion des glaciers, partant par conséquent des Alpes à la température
de 0°, arrive au lac avec 10° et 12° de chaleur, je me figure que s’il
eût prolongé son trajet en plaine pendant 73 kilomètres, du Bouveret
à Genève, il eût continué à gagner de la chaleur, probablement plus que
les 3.5° qu’il a acquis en stationnant dans le lac.
Il ne paraît donc pas que le repos que subit le Rhône dans le
Léman ait notablement changé les conditions thermiques moyennes
qu’il aurait eues si le lac n’eût pas existé. La variation de température
de l’été à l’hiver eût été certainement plus grande, mais la température
moyenne eût été probablement à peu près la même.
Encore ici, le lac agit comme un-modérateur, aussi bien sur le
Rhône qui le traverse que sur la climatologie générale du pays.