semble de la vallée ; il y a eu plutôt un phénomène limité, tourbillon
ou orage, qui s’est promené successivement sur diverses parties du
lac, ce qui doit rentrer incontestablement dans _la catégorie des perturbations
ou variations locales. Pendant ce temps le lac était agité
par les plus grandes seiches qui aient été enregistrées sur le lac,
depuis l’année 1876 où des limnographes y ont été établis. La plus
belle série a commencé à 8 heures et s’est développée, en apparence
progressivement, jusqu’à 10h30, pour décroître ensuite. Sur les tra,cés
limnographiques de Sécheron on voit la hauteur des seiches successives
rapportée à un niveau moyen dessiné au juger. Ce sont des
seiches dicrotes assez irrégulières ; je n’indique ici que les principaux
extrêmes de hauteur :
Seiches bassês. Seiches hautes. Hauteur de la seiche
7h43min — 11cm . 8h05min _j_ 20™ 31cm
8.52 — 23 9.33 + 25 48
9.45 J - 28 10.31 + 34 62
11.08 P- 21 - 11.49 + 24 45
12.35 — 23 12.53 + 30 53
etc. etc.
La coïncidence entre la perturbation locale et brusque de la pression
atmosphérique à 8h et le début de la série de seiches est évidente.
Nous avons un bassin d’eau; à l’une des extrémités une
hausse barométrique, très rapide, de 4mm de mercure, amène une
dénivellation locale négative ; à cette hausse barométrique succède
une baisse aussi forte, de là, dénivellation locale positive ; de là, l’impulsion
de la série des seiches. C’est très simple, au premier abord.
Mais les dimensions .énormes des seiches ce jour-là sont-elles en
rapport avec la variation barométrique ? Cela ne semble pas évident
à première vue. La densité du mercure est 13.6 ; une variation de
4mm de mercure donnerait donc sur un baromètre à eau une variation
de hauteur de 54mm ; elle causerait sur le lac une dénivellation de
54mm. Si à la dénivellation de première impulsion que nous supposerons
une dénivellation en décrue, succède une dénivellation inverse
en crue, nous avons une hauteur de seiche du double, soit de 408mm.
Nous avons donc l’explication dans la matinée du 20 août, par le fait
des variations du baromètre de 4mm de mercure, de la production de
seiches de 108mm, disons de 11™. Nous avons donc la raison de seiches,
mais non de seiches aussi énormes que celles qui ont été constatées
par le limnographe. Les seiches de Genève du 20 août semblent
six fois trop fortes pour être expliquées par les variations barométriques
enregistrées ce jour-là.
Revenons à nos seiches du 20 août et nous y trouverons, je crois,
l’explication de cette discordance apparente.
Tout d’abord les seiches de Genève qui ont atteint à 10h la hauteur
énorme de 62™ étaient des seiches longitudinales. Mais ce n’était pas
des seiches de type simple ; c’était des dicrotes. Il y avait interférence
de deux mouvements, l’un uninodal, l’autre binodal. Il y avait donc à
certains moments superposition de deux mouvements ; quand les
seiches ont acquis la hauteur.maximale de 62™, il y avait addition de
deux seiches : une uninodale de 31cm et une binodale de31™ peuvent
produire en se superposant une seiche dicrote de 62cm, ou à peu
près.
Nous n’avons donc à expliquer que la production de seiches de
31cm. Mais c’est encore trois fois plus que ce dont peut rendre compte
une variation barométrique de 4mm de mercure. Il y a encore discordance
entre les causes et les effets. Cette discordance disparaît si nous
donnons attention au fait que les seiches de 62™ ont été mesurées à
Genève ; que dans cette station il y a exagération de la hauteur des
seiches par les conditions locales de la forme et du relief du bassin ;
que le lac est rétréci à Genève en un long golfe de largeur progressivement
décroissante ; que le Petit-lac est beaucoup moins profond que
le Grand-lac. Il en résulte, comme nous l’avons vu p. 139 qu’il y a
amplification locale de la hauteur des seiches ; que les mêmes seiches
sont à Genève 4 fois plus hautes qu’à Chillon. Si nous voulons
rechercher les causes de la marée, nous n’irons pas mesurer les dénivellations
de l’Océan au fond de la baie de Fundy ou sur les côtes du
Pas-de-Calais ; de même, pour rapporter les seiches du Léman aux
variations barométriques qui les déterminent, nous ne mesurerons
pas les seiches à Genève où elles ont une amplification locale extraordinaire.
Les seiches du 20 août n’avaient à Chillon qu’une hauteur de
16cm ; elles étaient composées d’uninodales et de binodales n’ayant
chacune que 8om de hauteur. Des seiches de 8cm de hauteur correspondent
à une variation barométrique de 3mm de mercure. La variation
constatée par les barographes de Thonon et de Morges a dépassé
3mm. Les énormes seiches de Genève de 62em, du 20 août 1890, trouvent
ainsi leur explication suffisante.