Quelle est la valeur de cette action, indépendamment du soulèvement
de la nappe générale? Je ne sais comment les séparer. Tout cé
que je puis dire, c’est qu’additiônnées,* les deux actions peuvent avoir
une valeur assez importante. Ainsi, dans certains cas, j’ai pu mesurer
et constater qu’elles atteignaient ensemble 4«» environ.
Mais je n’en crois pas moins à une dénivellation réelle de la nappe
du lac, indépendamment de l’effet des vagues sur la nappe souterraine
ou la nappe de l’enregistreur. Je me base sur trois faits :
a) Les dénivellations que j’étudie sont parfaitement sensibles dans
une comparaison entre le limnimètre de Vevey et celui du Jardin
anglais de Genève. Quand la bise souffle,-il y a parfois une pente renversée
de 10 à 12;m. Or, dans ce cas, les vagues sont nulles à Vevey, ou
le vent souffle de la terre contre le lac, elles sont nulles ou très peu
importantes au quai du Jardin anglais de Genève, lequel est situé dans
l’intérieur du port. Les dénivellations ne, peuvent pas être le produit
accidentel des vagues sur les limnimètres.
b) Quand nous étudierons les courants, nous verrons que, lorsque
lè vent souffle, il existe un courant superficiel, qui chasse l’eau dans
le sens du vent, et un courant profond .en sens inverse. Ce dernier
courant prouve l’existence d’une différence de niveau entre une région
plus haute et une région plus basse, l’existence d’une dénivellation.
c) Quand nous étudierons la thermique du lac, nous verrons l’eau
de surface s’accumuler dans la région sous le vent en couche fbi t
épaisse; il y a donc transport de l’eau dans le sens du vent, et il doit
en résulter une dénivellation nécessaire.
Quelle est l’action du vent qui cause la dénivellation?
Serait-ce la différence de pression barométrique entre les deux stations?
Sans faire intervenir ici les déviations de direction des mouvements
cvcloniques et giratoires, il est incontestable que le vent inférieur
est causé par une différence de pression atmosphérique entre
deux points. L’air s’écoule du point où la pression est la plus forte
vers celui où elle est la plus faible. La pression est donc la plus forte
dans la région d’où vient le vent, la plus faible dans celle où il va. Or
une différence de pression doit se traduire par une modification de,
l’horizontalité d e l’eau : le lac est un niveau d’eau dont l’horizontalité
ne persiste que si la pression est la même aux deux extrémités. Une
différence de pression barométrique de 1™“ de mercure se traduit par
une dénivellation de 13.6'lim d’eau.
Si donc il y a, d’une extrémité du lac à l’autre, une différence de
pression barométrique de 1, de 2, de 3'™ de mercure, il doit en résulter,
indépendamment de l’action du vent, une dénivellation du lac
de '14rain de 27mm, de 40mm de hauteur. L’eau doit être déprimée là où
la pression est la plus forte.
Trouverions-nous là une explication suffisante des dénivellations
continues que nous avons constatées? Je n’hésite pas à répondre: Non.
En effet; la différence de pression barométrique entre deux stations
du lac ne peut pas être assez grande pour expliquer les fortes dénivellations
observées.
Dans les plus violents de nos ouragans, dit Hann (1), le gradient s’élève
à 0.2, à 0.3“"11 par mille géographique (7420“), ce qui donnerait
une dénivellatioS, pour la plus grande longueur du lac, de 1.7 à 2.5mm
de mercure, soit 23 à 34mm d’eau.
Or, dans nos vents généraux, bise ou sudois, qui nous donnent les
belles dénivellations de 5, 10, 12cm que nous avons vues, le gradient
est bien loin d’atteindre cette valeur; un gradient de | | de mercure
pour 50 ou BO1-1"1 est déjà fort serré, et le plus souvent le vent, dans
• sa rotation spirale, marche presque à angle droit du gradient : la dénivellation
barométrique est beaucoup plus faible dans la direction du
vent que ne l’indique la valeur du. gradient.
La grande valeur des dénivellations continues du lac nous montre
qu’elles ne sont pas uniquement dues à une dénivellation barométrique.
Un autre argument arrive à la même conclusion. G’est l’existence
d’un courant de retour dans la profondeur, marchant en sens contraire
de la direction du vent. Ce courant prouve que dans la dénivellation
il n’y a pas un-état statique d’équilibre comme celui qui serait
causé par une différence de pression, mais un état dynamique, dans lequel
l’équilibre, troublé accidentellement, tend sans cesse à se rétablir.
C’est à l’action directe du vônt qu’il faut attribuer la plus forte
partie des dénivellations continues. Le vent, frottant la surface de
l’eau, détermine un courant superficiel qui refoule l’eau coritre la
plage vers laquelle il souffle, l’y accumule et la relève. Le courant de
(h Allgemeine Ei-cikunde, p. 125.