ait épaississement de la glace, il faut qu’il y ait dégagement de chaleur
dans l’air extérieur, propagation de la chaleur de bas en haut à travers
toute l’épaisseur de la glace. Or, la conduction thermique est relativement
lente dans la glace. On en jugera par l’observation suivante :
Le 26 janvier 1880, j’admirais sur le lac de Zurich recouvert d’une
épaisse couche de glace de superbes mirages analogues à ceux de nos
mirages d’hiver (voir plus loin). Il devait donc y avoir stratification
thermique inverse de l’air,_les couches les plus chaudes étant au contact
de la glace. Je le vérifiai par quelques mesures thermométriques
qui m’ont donné :
Température de l’air à 1.3m au-dessus de la surface de
la glace. ■. _, -
^ 0.01 — - ' ¡ — 8.0o
de la glace 0.01 au-dessous de la surface 3.8°
_ 0.05 — — 2.6°
— 0.10 .— 0.8«
de l’eau du lac 0.13 — + 0.2°
On surprend dans ces chiffres le réchauffement de l’air par l’eau plus
chaude du lac à travers la couche de glace, par conséquent la perte
de chaleur par l’eau qui se transforme en glace. Le lac, même lorsq
u ’il est gelé, continue à réchauffer ratmosphère.®|j Dans cette phase
de congélation établie outre l’accroissement d’épaisseur de la glace (')
je n’ai à signaler, comme phénomène intéressant, que la formation de
crevasses dues à la contraction des couches supérieures de la nappe
glacée sous l’action du froid, ou à la distension des couches inférieures ;
la glace doit s’enfoncer pour suivre le niveau du lac qui s’affaisse. Les
crevasses qui sont signalées dans la plupart des observations de congélation
des lacs mériteraient d’être étudiées méthodiquement ; le géologue
y trouverait certainement plus d’une analogie intéressante. La
formation des crevasses est accompagnée de détonations et de craquements
qui intéressent vivement les témoins du phénomène, si j’en juge
par les fréquentes citations dans les observations originales. Crevasses
et détonations ne se présentent pas sur notre lac.
C1) Ceux que la question occupe trouveront dans mon étude sur la congélation
des lacs suisses en 1891 [loc. cit. p. 373] des mesures intéressantes sur l’accroissement
d’épaisseur, de la glace, entre autres dans les lacs de Morat, d’Alpnach, de
Sarnen, de Lungern, de Sempach, de Baldegg, de Halwyll, de Zoug.
C. Phase de dégel.
La température de l’air' s’élevant au-dessus de zéro, la chaleur attaque
la glace et la liquéfie par la face supérieure; la lame glacée,ne perdant
plus de chaleur par sa face supérieure, est fondue par l’eau sous-
jacente qui est plus chaude que zéro. La chaleur rayonnée par le soleil
traverse la glace et réchauffe parfois beaucoup cette eau sous-jacente (*).
La glace diminue d’épaisseur, devient humide, se ramollit ; elle se brise
en glaçons irréguliers, et ceux-ci ‘disparaissent plus ou moins rapidement.
Sitôt que quelques flaques d’eau sont devenues libres, l’action
du vent qui mélange les couches de l’eau en annulant la stratification
inverse amène le réchauffement des couches supérieures du lac,
et débarrasse celui-ci de ses glaces avec une promptitude souvent
surprenante.
Dans cette phase apparaît un phénomène intéressant : c’est le changement
de structure de la glace. La masse, en apparence compacte et
-continue dans la phase d’étât, se divise pendant la phase de dégel en
-colonnes prismatiques verticales de 1 à 3cm de diamètre. Ces prismes
irréguliers, à 3, 4, 5 ou 6 pans, semblables dans leur irrégularité à des
colonnes de basalte, deviennent visibles lorsqu’on laisse fondre au
-soleil un bloc de glace enlevé au lac, et lorsqu’on le brise d’un coup
brusque. Cette formation apparaît sur toute vieille glace du lac, suffisamment
épaisse' ;■ elle, est due probablement à la rétraction des couches
supérieures de la glace sous l’influence du froid qui les pénètre
(') La diatliermanéité de la glace est prouvée pa r l’expérience Suivante :
Du 8 janvier 1871. Soleil brillant, température de l’a ir -(- 1.4°. J ’ai fixé la boule
d’un thermomètre à mercure dans un tube de verre de l cm de diamètre, rempli de
-cire noircie pa r de la poussière de charbon. Je l’ai refroidi à 0°. Puis je l’ai placé
au centre d’un trou cylindrique de 2cm de diamètre, foré au travers d’un bloc de
glace de rivière, et obturé aux deux extrémités par un bouchon de neige. Le thermomètre
à chemise de cire dans un bain d’a ir recevait directement les rayons
solaires qui lui arrivaient à travers une paroi de glace de 2e“ environ. Je fis sur le
thermomètre les lectures suivantes :
T0h U)m'" - ■ 0.0°
22 9.4 '
— 33. ’ 12.4
— 37 . 13.5
— .42 14.2
iqii 47min 15.1«
B ip 52 15.5-
— ' 56 16.0
11 01 16.4
— 09 16.8
A la fin de l’expérience la paroi dê glace avait encore un centimètre d’épaisseur.
Ainsi donc le thermomètre entouré de toutes parts de glace avait élevé sa température
à 16.8° pa r l’effet de la chaleur solaire ; l a diathermanéité de la glace est
«considérable. 1