et aussi vite qu’il naviguait auparavant sur la surface vive du lac.
Selon d’autres (*), la fontaine est due à l’immobilité absolue de la
colonne atmosphérique qui lui est superposée, tandis que tout autour
l’air est agité ou en mouvement.
Selon d’autres enfin, et c’est l’explication dont on a nourri mon
jeune âge, la fontaine se produirait au point de rencontre ou de divergence
de deux courants d’air dont la direction est légèrement différente.
Cette interprétation n’est pas meilleure que les autres, car si les
vents convergeaient, nous aurions suivant leur ligne de rencontre
une véritable barre et les vagues des deux courants d’air quadrilleraient
leurs crêtes ; d’un autre côté si les vents divergeaient ils laisseraient
entre eux un espace calme de forme triangulaire, s’élargissant
d’autant plus que les courants d’air seraient plus éloignés. La forme
et la direction des fontaines n’a du reste aucun rapport avec la direction
du vent et l’on observe souvent des chemins dont le grand axe
est parallèle à la crête des vagues.
Avant de donner l’explication que je crois la véritable, je dois
décrire un phénomène tout à fait analogue qui se produit dans de
tout autres circonstances. Lorsqu’il pleut et que le lac est calme et
plat comme un miroir, l’on observe à sa surface des taches blanches
sur fond grisâtre, qui rappellent les fontaines décrites plus haut. Leur
forme, leur irrégularité, leur variabilité, sont absolument comparables
à celles des fontaines. Si l’on étudie la cause du changement.de couleur
du lac, l’on reconnaît bientôt qu’il est dû à la manière différente
dont se comportent les gouttes de pluie dans les fontaines et en
dehors d’elles. La goutte de pluie, en frappant la surface du lac, détermine
la production de vagues circulaires, dont l’élévation dépend de
la grosseur de la goutte, et qui s’étendent, plus ¡ou moins loin, en
cercles concentriques de moins en moins apparents,; jusqu’à ce
qu’elles finissent par s’éteindre et mourir. Ces vaguelettes se croisent
et s’entrecroisent dans tous les sens et donnent à la surface du lac
cette teinte grise que l’on connaît. Or, dans la fontaine ce guilloché
n’existe pas ; la goutte en tombant dans l’eau détermine bien la formation
d’une onde, mais cette onde s’étend peu et meurt très vite. Dans
la fontaine, les vaguelettes circulaires s’éteignent-fort rapidement, ne
s’entrecroisent plus, et le miroir du lac n’est pas ou n’est que très peu
ondulé. Il semblerait vraiment qu’il pleut dans un lac d’huile.
C’est en effet le cas : les chemins, les fontaines, qu’elles s’observent
sur le lac ridé par le vent, ou par un temps de pluie, sont des ta c h e s
d ’h u ile et c’est sous ce nom que nous les désignerons désormais.
Une couche extrêmement mince de substance grasse se répand à la
superficie de l’eau et transforme la surface aqueuse en une surface
huileuse.
Sur une couche huileuse, le vent ne détermine que des vagues mortes,
la goutte d’eau ne produit que des ondes presqu’aussitôt éteintes.
C’est ce que nous prouverons par les observations et les expériences
suivantes : . _
1» Si je suis avec attention la petite barque d’enfant que je fais
naviguer à travers une fontaine, comme je l’ai dit plus haut, je constate
qu’elle pousse devant elle une couche très mince, adhérente au
corps solide, qui se détache en lames ou en écailles plus ou moins
larges. Il y a donc sur la fontaine une couche différente de la surface
naturelle de l’eau.
2° Les poussières et petits corps flottants sont accumulés en grand
nombre à la surface des fontaines. Ils semblent y être retenus par
une couche visqueuse et adhérente. Si l’on m’objectait que ces poussières
et corps flottants pourraient être par eux-mêmes la cause de la
fontaine, je répondrais par l’expérience suivante. J’ai versés à la surface
de l’eau quelques litres de poussières fines, par un jour de brise
légère et j’ai constaté facilement que ces poussières s’étalent très lentement
à la surface de l’eau et qu’elles ne provoquent aucunement la
formation d’une fontaine.
30 Dans certains cas favorables, j’ai pu constater à la surface des
fontaines la formation de cercles irisés, qui prouvent l’existence d’une,
pellicule extrêmement mince de pouvoir réfringent différent de celui ^
de l’eau.
4° Si par un jour de soleil, lorsque l’eau est pure, en un point où
l’eau n’a pas plus de cinquante centimètres de profondeur, je laisse
tomber dans l’eau une pierre grosse comme le poing, ou si je verse
subitement une certaine masse d’eau, un litre environ, je détermine
un trou à la surface de l’eau; la couche grasse qui forme la fontaine
est écartée et refoulée violemment en dehors. Quand l’eau agitée par le
choc a repris son calme, je vois, sur le fond, l’ombre formée par les boi ds