de la couche huileuse qui se dessine comme un cercle sombre sur le
fond éclairé; ce cercle se rétrécit très rapidement, comme le ferait
une substance élastique qui reviendrait sur elle-même, et en une
seconde ou deux, au plus, il a disparu en s’évanouissant au centre.
5® Si je fais passer ma péniche à travers une fontaine, le corps du
bateau entrant dans la fontaine entraîne derrière lui une masse d’eau
propre qui empiète sur la couche huileuse ; quand le bateau sort de
la fontaine, ses bords entrant dans l’eau pure entraînent de l’eau huileuse
; les rames enfin, qui ont frappé l’eau huileuse, emportent quelques
gouttes du corps gras. Il en résulte que pendant quelques instants
les contours de la fontaine sont déformés, et démontrent
l’existence d’une pellicule de nature différente, entraînée par le bateau
qui l’a traversée.
6° Le passage d’un bateau, au travers d’une fontaine, se reconnaît
pendant fort longtemps aux bulles d’air que le choc des palettes ou
des rames a développées sur cette eau savonneuse. Par un jour de
beau soleil, on peut ainsi reconnaître à distance l’existence de très
petites places, très morcelées, revêtues de leur couche huileuse.
7° L’expérience classique du camphre, que j’ai répétée plusieurs
fois avec succès, m’a toujours montré les petits morceaux de camphre
tournant et girant avec les allures connues à côté de la fontaine,
tandis que dans la fontaine elle-même les poussières de camphre
étaient parfaitement immobiles. Cette expérience démontre à la surface
de l’eau la présence d’un corps gras.
8° L’origine des fontaines, quand elle peut être suivie, permet toujours
de remonter à la source d’un corps huileux et gras. Elles viennent
d’un égoût, d’une tannerie, d’un établissement de blanchisseuses ;
elles marquent la trace d’un bateau à vapeur lorsque la cuisine s’est
débarrassée des eaux grasses ou lorsque la pompe de cale a rejeté
dans le lac l’eau salie par l’huile qui est tombée des machines. C’est
ce que j’ai pu constater avec une grande précision, chaque fois que
j ’ai eu l’occasion de naviguer sur l’un de ces petits yachts à hélice
qui servent à la chasse sur notre lac.
9° Enfin la preuve décisive est la production artificielle des fontaines
à l’aide de quelques gouttes d’huile versées à la surface. Cette
expérience, bien facile à répéter sur le lac, chaque fois qu’une brise
légère en agitera la surface, ou qu’il pleuvra par un temps calme,
convaincra les plus incrédules de la rapidité avec laquelle ces taches
d’huile s’étendent à la surface de l’eau. L’on pourra même appliquer
le calcul à la production de ces fontaines et constater que 20 centimètres
cubés d’huile suffisent à couvrir environ une surface
de 4000 mètres carrés. La couche d’huile répandue ainsi sur le lac rie
mesure guère que 2 o o^ o'q6 ^ épaisseur.
L’épaisseur de la lame d’huile étendue sur l’eau a été étudiée par
beaucoup d’auteurs ; voici de la plus faible à la plus forte les valeurs,
exprimées en millionièmes de millimètres (¡a ¡a), que j’ai trouvées dans
les expériences modernes.
Miss A. Pockels (’), huile d’olives 1-3 ¡a |a
Lord Rayleigh (2)
Rôntgen (3) ^
F.-A. Forel 5
Amiral Cloué (4) 10
G. Quincke (5) ~ - 50
Overbeck ((i) 53
Miss Pockels (*), essence de térèbentine 93
Sohncke (7), huile de navets 94
» huile d’olives IHl
Tous arrivent à des valeurs plus faibles qu’une demi longueur
d’onde (X r= 588 p.¡i); l’épaisseur que m’a donnée l’expérience 5 [jqj.,
ou un deux cent millième de millimètre, reste entre les extrêmes de
ces auteurs ; quoique mon procéidé d’évaluation fût assez grossier, il
m’a amené à un chiffre probablement assez exact.
L’expérience suivante prouve du reste que l’épaisseur de la lame
huileuse est plus faible que la demi-longueur d’onde lumineuse. Que
(h On the relative contamination, etc. Nature XLVI, 418, London, 1892.
(2) Proc. E. Soc. XL VII, 364. London, 1890 (Naturw. Rundschau V, 478, 1890).
(3) Ueber die Dicke, etc. Annalen der Phys. XLI, 321.1890 (Naturw. Rundschau
VI, 48.1891).
(4) Le ûlage de l’huile, p. 38. Paris, 1887.--
(5) Ueber die Entfernung, etc. K. Ges. d. W. zu Göttingen, 5 mai 1869,
(e) Ann. de Phys. (Nature XLVIII, 181. London, 1893).
i (7) Die schliessliche Dicke, etc. Annalen d. Phys. XL, 345. 1890. (Naturw.
Rundschau, V, 423.1870.)