objets situés au-dessous du bateau, et c’est dans ces conditions qu’il
faut se placer pour voir, à l ’e au b le u e , la belle couleur azur de l’eau
du lac. De la terrasse de Glion, sur Montreux, à 300m au-dessus du
lac, le regard va plonger dans les eaüx bleues du lac à 600m environ
de distance horizontale. Le rayon réfracté fait donc un angle de 30°
environ avec l’horizon ; dans ces conditions, la lumière émise par l’eau
arrive en quantité assez considérable pour être parfaitement visible et
reconnaissable.
Signalons encore un point intéressant dans cette superposition de
lumière réfléchie par la surface, et de lumière émise venant de la
masse même de l’eau. On peut dire que la lumière réfléchie plus brillante
éteint la lumière émise moins intense ; s’il n’y avait pas de
lumière réfléchie, la lumière émise apparaissant seule dans toute sa
gloire et sa beauté, nous verrions la couleur propre du lac. Or c’est
le cas lorsque nous sommes placés de telle manière que nous regardons,
sur la surface du lac, l’image réfléchie d’un corps sans lumière,
tel que la coque noiré d’une barque ou d’un bateau à Vapeur (1). Alors
ces taches sombres ne nous envoient que peu ou pas de lumière
réfléchie; nous ne voyons que la couleur .propre de l’eau, et l'image
de ces masses noires nous paraît bleue. Telle est encore la vue de
l’eau lorsque nous nous penchons en dehors du bateau et que nous
regardons au-dessous de nous; le ciel éclatant qui nous domine se
réfléchit à la surface de l’eau et mêle sa teinte à celle du liquide, mais
l’image de notre tête, mal éclairée, émet si peu de lumière, que dans
son ombre nous ne voyons que la couleur de l’eau.
Quand il fait des vagues, nous nous trouvons, si nous regardons la
surface du lac, en présence de petites surfaces réfléchissantes et
réfractantes, orientées dans des plans fort différents selon la grandeur,
la forme et la direction des vagues. L’angle sous lequel le rayon visuel
rencontrera ces surfaces sera très différent, suivant la forme de la
vague, suivant aussi qu’il atteindra la face antérieure, la face postérieure,
le creux ou le sommet de la vague, suivant qu’il frappera la
vague parallèlement, obliquement ou perpendiculairement à sa ligne
de faîte ; il s’en suit que selon ces circonstances, une plus ou moins
f1) Lorsque la distance qui nous en sépare n’est pas trop grande, le feuillage
sombre d’es sapins peut produire le même effet. P a r certains éclairages, les sapins
des monts de Lavaux ou de la côte de Meillerie, vus du bateau qui longe la rive,
donnent une image bleu-noirâtre.
grande quantité de lumière sera réfractée ou réfléchie, et que l’effet
général en sera fort différent.
Les faces des vagues ne sont jamais très inclinées, mais elles le sont
cependant parfois assez pour que le rayon visuel puisse, en frappant
convenablement l’une des faces de la vague, faire avec la surface
limite un angle assez ouvert pour qu’il soit en grande partie réfracté ;
dans ce cas, le rayon visuel pénétrant dans l’intérieur de la vague,
notre oeil voit en ce point la couleur bleue de l’eau. Quand l’oeil peut
ainsi voir sur un nombre de points suffisant la couleur même de l’eau,
la surface du lac nous apparaît d’un bleu plus ou moins brillant. Ce
cas de la réfraction du rayon visuel, soit de la vue de la couleur
propre du lac, alors même que nous le regardons de la rive suivant un
angle presque tangent, a lieu lorsque les vagues et rides sont aiguës
ou vives, et quand leurs crêtes sont perpendiculaires, ou à peu près,
au plan vertical de la vision,
Même dans le cas dont je viens de parler, une certaine quantité des
rayons visuels sont réfléchis sur des surfaces frappées par eux sous des
angles trop aigus.' La couleur du lac est alors altérée et mélangée
d ’unë proportion plus ou moins forte de couleurs provenant de la
réflexion du ciel ou de la côte opposée.
Le plus souvent, c’est la réflexion qui domine, et alors notre oeil voit
sur les différentes surfaces des vagues tous les objets dont l’image
peut arriver à lui : côte opposée, ciel, nuages; tous mêlés, confondus,
ensemble et donnant une couleur résultante, légèrement azurée par
quelques rayons réfractés dans l’intérieur de quelques vagues.
Analysons de plus près la réflexion sur les vagues.
Ce sujet a été traité magistralement, en 1889, par mon ami le professeur
Dr J. Piccard, à Bâle (*) ; il a cherché la forme et les dimensions
de l’image résultante de la tache constituée par l’ensemble des
images partielles d un point lumineux réfléchi par les vagues mortes
d un lac agité. Il a reconnu qu’en général la tache lumineuse, ainsi formée
sur beau, est de forme ovalaire, allongée verticalement.
Je ne puis que renvoyer, pour le développement, les formules et
valeurs numériques, à ce beau mémoire qui est bien près d’épuiser la
question. J essaierai cependant d’en extraire les conclusions princi-
(!) J. Piccard. Phénomèneâ”de réflexion à la surface des nappes d’eau Arch XXI
481. Genève, 1889. ; ’