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1827.
Mars.
190 VOYAGE
Zélandais, dernier terme de leur monde connu ; c’est
là que les ames des morts, les Waïdouas , viennent se
rendre de tous les points d’Ika-Na-Mawi pour prendre
leur dernier essor vers la gloire ou les ténèbres éternelles.
La presqu’île où se trouve le cap Nord porte le
nom de Moudi-Wenoua (dernière terre), et reconnaît
pour cbef Shongui-Kepa, qui réside à Pakohou sous
les flancs du cap Otou.
A quatre heures du soir, nous fîmes une station à
deux milles el précisément au nord de ce promontoire
par soixante et dix brasses, sable vasard. De toutes
parts ses flancs sont escarpés, sapés par la lame, et sa
cime se termine en une espèce de plateau uni. Otahe
offre un aspect à peu près semblable, et Reinga se termine
par un rocher en forme de coin, qui est le véritable
point de départ des Waïdouas *.
Peu après, les naturels nous quittèrent. L’un d’eux
seulement, rangatira subalterne nommé P ak o , sollicita
la faveur de nous accompagner à la baie des Iles ,
où il avait, disait-il, beaucoup d’amis. Comme à l’ordinaire
, j’y consentis pour me procurer les noms de la
côte en langue du pays. Pako semblait un homme doux
et fort complaisant, quoique peu agréable dans ses
manières , et quant au physique bien inférieur à tous
les chefs que nous avions vus jusqu’à ce moment sur
celte terre. Il connaissait parfaitement les îles Ma-
nawa-Tawi (îles des Boù de Tasman), dont il m’indiqua
sur-le-champ legissement. Il y possédait même, ajouta-
* Voyez noies 18 et 19.
t-il, des esclaves qui cultivaient des champs de patates.
Les habitans de Moudi-Wenoua sont en paix avec tous
ceux de la baie des Iles, à l’exception de Shongui-Ika,
dont ils ne parlaient qu’avec horreur, et qui serait tué,
assuraient-ils, s’il tombait en leur pouvoir. Les cochons
sont nombreux sur ce point, et les naturels
apportèrent quelques pastèques, dont ils paraissaient
faire un grand cas, car ils ne voulaient les céder que
pour de la poudre.
Au coucher du soleil, les sommités de Manawa-
Tawi furent un instant visibles dans l’ouest du compas,
aux bornes de l’horizon. Nous devions alors en être
éloignés, d’après M. d’Entrecasteaux, de quarante
milles environ.
Toute la nuit, il fit calme avec une belle mer el une
température délicieuse. La journée suivante, nous
n’eûmes encore que de faibles brises variables en tous
sens, qui me forcèrent de rester à six ou sept milles
du cap Nord; les observations astronomiques furent
répétées pour mieux fixer sa position. Profitant du
calme, d’innombrables troupes de marsouins à long
museau, de fous à tête fauve, de pétrels, d’alcyons, et
quelques requins avides, de grande taille, se jouaient
à la surface des ondes. Ce n’est jamais que le long des
côtes et par un beau temps que l’Océan peut offrir ces
scènes animées, ces espèces de luttes d’agilité entre
les familles aériennes et celles qui vivent sous les
eaux.
Notre hôte Pako paraît fort content de sa navigation.
Surtout il est ravi de la promesse que je lui donne
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