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Sans nul doute, le but primitif du tapou fut toujours
l’intention d’apaiser la colèi’e de la Divinité et
de se la rendre favorable, en s’imposant une privation
volontaire, proportionnée à la grandeur de l’offense
ou à la colère présumée du Dieu en question ‘. Probablement
il n’est guère de système de religion où cette
croyance n’ait pénétré , où elle n’ait été caractérisée
par des actes plus ou moins extravagans. En tous temps,
en tous lieux, l’homme a presque toujours fait son
Dieu à son image, et lui a prêté naturellement ses passions
et ses caprices. Il a jugé d’ailleurs plus facile et
plus prompt d’expier ses crimes et ses offenses envers
la Divinité par des privations temporaires qui dégénèrent
souvent en une vaine forme, que de chercher à
lui plaire en devenant meilleur et en faisant du bien à
ses semblables. Il est inutile de citer des exemples de
cette déplorable erreur, l’histoire religieuse de tous
les peuples n’est guère qu’un long et triste recueil de
toutes les folies de l’homme.
Plus que tout autre habitant de la Polynésie, le Zélandais
est aveuglément soumis aux superstitions du
tapou , et cela sans avoir conservé en aucune façon
l’idée du principe de morale sur lequel cette pratique
était fondée. Il croit seulement que le tapou est agréable
à l ’Atoua, et ce motif lui suffit. En outre il est convaincu
que tout objet, soit être vivant, soit matière
inanimée, frappé d’un tap o u , se trouve dès-lors au
pouvoir immédiat de la Divinité, et par là même interdit
à tout contact profane. Quiconque porterait une
main sacrilège sur un objet soumis à un pareil interdit
provoquerait le courroux de FAtoua, qui ne manquerait
pas de l’en punir en le faisant p é rir, non-seulement
lui-même, mais encore celui ou ceux qui auraient
établi le tapou ou en faveur desquels il a été
institué. C’est ainsi que FAtoua se vengea, dit-on, sur
M. Nicholas du sacrilège que cet Anglais avait commis
en maniant un pistolet taboué pour avoir servi au
chef Doua-Tara, à l’époque de sa mort.
Mais le plus souvent les naturels s’empressent de
prévenir les effets du courroux céleste en punissant
sévèrement le coupable. S’il appartient à une classe
élevée, il est exposé à être dépouillé de toutes ses propriétés
, et même de son ran g , pour être relégué dans
les dernières classes de la société. Si c’est un homme
du peuple ou un esclave, il peut arriver que la mort
seule puisse expier son offense.
Pour concilier certaines idées de justice avec le
respect dù aux réglemens du tapou, Touai me disait
que ses compatriotes avaient arrêté que les étrangers
seraient excusables d’y manquer, quand ils se trouveraient
pour la première fois chez eux, mais que
leurs fautes ne seraient pas tolérées dans un second
voyage.
Un mot du prêtre, un songe ou quelque pressentiment
involontaire donne-t-il à penser à un naturel
que son dieu est irrité ; soudain il impose le tapou sur
sa maison, sur ses champs, sur sa pirogue, e tc .,
c’est-à-dire qu’il se prive de l’usage de tous ces ob-
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