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VOYAGE
Esclaves
immolés.
Lorsque la troupe se trouve de retour dans ses
loyers, on apporte, soit un morceau de porc, soit des
jiatates, soit des pommes de terre; l’ariki retire le rakau
tapou de ses enveloppes, le met de nouveau en
contact avec ces vivres , en répétant ses prières mystiques.
Quand tout est terminé, le rakau tapou est
jeté dans les broussailles ou dans un lieu où il ne soit
point exposé aux regards ni au toucher des profanes.
Les vivres ont reçu la vertu des viandes sacrées , et
les naturels qui sont restés au village s’en régalent
avec autant de joie et de satisfaction mentale que s’ils
se repaissaient de la chair même de leur ennemi. Du
moins c’est ce que m’assurait gravement Touai quand
il me donnait ces détails.
Quand un chef ou quelque personne de distinction
vient à mourir en temps de paix, des sacrifices humains
ont aussi lieu. Un ou plusieurs esclaves, suivant
le rang du défunt, sont immolés sur son corps.
En cela ces naturels paraissent avoir un double b u t ,
d’abord d’apaiser le waidoua du défunt et d’arrêter
l’effet de son courroux sur ceux qui lui survivent,
ensuite le désir d’offrir au mort les moyens d’étre
servi dans l’autre vie comme il l’était dans celle-ci '.
Lorsque le fils de Pere-Ika mourut à Parramatta
chez M. Marsden, cet ecclésiastique fut obligé d’inter-
jioser son autorité pour empêcher les compagnons
de ce jeune homme de sacrifier deux ou trois jeunes
esclaves qui se trouvaient avec eux à la Nouvelle-
Galles du Sud pour apaiser l’esprit du défunt '.
Les esclaves destinés à être offerts en sacrifice sont
ordinairement assommés d’un coup de mere par un
parent du défunt, et celui-ci a soin de choisir le moment
où sa victime semble ne pas se douter du sort
qui lui est réservé 2. Pour diminuer l’horreur d’une
telle action, les Zélandais ont soin de répéter que l’on
clmisit communément pour cet objet les esclaves qui
ont commis quelque mauvaise action, comme vol, enchantement
3, ou bien ceux qui ne peuvent ou ne veulent
point travailler 4.
L’esclave qui a maudit son maître ne peut éviter
d’être sacrifié ; car on croit que c’est l’unique moyen
d’apaiser l’Atoua et d’échapper k la malédiction proférée
par la malheureuse victime.
Les corps des esclaves immolés à la mort des chefs
et en leur honneur devraient être à la rigueur déposés
près de ces derniers et subir le même so rt, mais il arrive
souvent que les sacrificateurs préfèrent les manger
; dans ce cas ils cèdent probablement à leur sensualité
plutôt qu’aux dogmes de leur religion.
C’est le cas de faire remarquer que si la vengeance
et la superstition furent sans doute les premiers motifs
qui portèrent ces malheureux peuples à faire des
sacrifices humains , la disette singulière d’animaux
I Cruise ,yi. 3o 8. — 2 Cruise, d 'U rv ., I II, p. 643. F. Hall, d’Urv., I l l ,
p. 462 , 466. W . Williams, d’U r v ., I I I , p. 534. — 3 Cruise, p. 97. F ,
H a ll, d’Urv., II I , p. 492. K in g , d’Urv., I I I , p. 392. Marsden, d’Urv.,
III, p. 474 - — 4 W. Williams, d’U rv ., III, p. 53o.