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VOYAGÉ
notre travail de la journée se trouva inutile, el nous
ne fûmes pas plus avancés qu’auparavant.
A la nuit, le vent força; il souffla grand frais avec
des rafales, de la pluie, des éclairs et du tonnerre.
Pour ménager la petite chaîne qui travaillait beaucoup,
et ne pas tomber a la côte, il fallut mouiller une ancre
de poste avec la grosse chaîne, et nous filâmes trente
brasses de celle-ci.
Le vent s’apaisa à minuit : au point du jour, on
se remit au travail. La grosse ancre et la moyenne
furent relevées; puis on se hala sur une ancre à jet
mouillée à trois encâblures au vent par vingt et une
brasses. Nous restâmes sur quatre-vingts brasses de
grelin, attendant un instant favorable pour mettre
à la voile. A neuf heures, je crus l’avoir rencontré
dans le jusant et une jolie brise d’O. S. O ., qui
s’annonça d’une manière décidée. Le grelin et l’ancre
a jet furent vivement enlevés, la misaine et les huniers
appareillés à l’instant ; mais à peine finissions-nous
notre abattée que le vent en mollissant sauta du sud
au nord. Alors le courant, nous prenant par le travers,
nous entraîna encore une fois à une demi-encâ-
blure du malheureux cap des Tourbillons. Une ancre
à jet ne put nous soutenir, et il fallut ajouter l’ancre
moyenne avec la chaîne.
Nous nous.louâmes ensuite sur trois aussières élon-
gées au large, et qui nous éloignèrent à peine d’une
encablure de terre. Cette dernière manoeuvre fut répétée;
mais nous fûmes tellement contrariés, qu’à
cinq heures du soir il fallut nous contenter de laisser
DE L’ASTROLABE. e i
tomber l’ancre de poste à une encâblure et demie
de la côte. Nous avions consumé treize heures dans
des travaux accablans et continuels, élongé, mouillé,
el relevé une foule d’ancres et de grelins, et nous
étions moins avancés qu’en commençant la journée.
A peine les canots chargés de porter les ancres el
les grelins se trouvaient-ils à une certaine distance
du navire, que le courant les entraînait au sud avec
une violence irrésistible, et les plus longues louées
se réduisaient à un demi-câble ou un câble au plus.
Dans ce funeste bassin, le supplice des Danaïdes
se renouvelait pour nous; il semblait qu’un malin
génie se plût chaque jour à détruire en un instant le
fruit de nos plus longs efforts.
Depuis quelques jo u rs , je souffrais assez vivement
de douleurs de côté, et les fatigues successives de
la journée n ’ont pas contribué à les apaiser. Toute
la nuit il a régné une forte brise de N. O. et O. N. O.
avec des rafales et un temps clair. Nos chaînes déjà
bien éprouvées nous rassurent, autrement notre position
ne serait pas sans inquiétude.
A cinq heures et demie du matin, je sautai dans la
yole, et j allai chercher un endroit propre à recevoir
une ancre a jet a quatre encâblures au vent du navire,
afin de nous haler vers l’autre côté de la baie, et nous
placer définitivement en appareillage avec les vents
régnans. A mon extrême surprise, en sondant à deux
ou trois cents toises de la passe, je trouvai que tout
cet espace était occupé par un banc de sable recouvert
seulement par quinze, douze, et même onze pieds
1827.
Janvier.
27.
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