
 
        
         
		i 
 26. 
 VOYAGÉ 
 notre  travail de la journée  se  trouva  inutile,  el nous  
 ne fûmes pas plus avancés qu’auparavant. 
 A la nuit,  le vent força;  il  souffla  grand frais avec  
 des  rafales,  de  la  pluie,  des  éclairs  et du  tonnerre.  
 Pour ménager la petite chaîne qui travaillait beaucoup,  
 et ne pas tomber a la côte,  il fallut mouiller une ancre  
 de poste avec la grosse  chaîne,  et nous filâmes trente  
 brasses de celle-ci. 
 Le  vent  s’apaisa  à  minuit  :  au  point  du jour,  on  
 se  remit  au  travail.  La  grosse  ancre  et  la  moyenne  
 furent  relevées;  puis  on  se  hala  sur  une  ancre  à jet  
 mouillée  à  trois  encâblures  au vent par vingt  et une  
 brasses.  Nous restâmes sur  quatre-vingts  brasses  de  
 grelin,  attendant  un  instant  favorable  pour  mettre  
 à  la  voile.  A  neuf heures,  je  crus  l’avoir rencontré  
 dans  le  jusant  et  une  jolie  brise  d’O.  S.  O .,  qui  
 s’annonça d’une manière décidée.  Le grelin et  l’ancre  
 a jet furent vivement enlevés, la misaine et les huniers  
 appareillés  à  l’instant ;  mais  à  peine  finissions-nous  
 notre  abattée  que  le  vent  en mollissant  sauta du sud  
 au  nord.  Alors  le  courant,  nous  prenant  par  le  travers, 
   nous  entraîna  encore  une  fois  à une demi-encâ-  
 blure du malheureux cap des Tourbillons.  Une  ancre  
 à jet ne put nous  soutenir,  et il  fallut  ajouter  l’ancre  
 moyenne avec la chaîne. 
 Nous nous.louâmes ensuite sur trois aussières élon-  
 gées au  large,  et  qui nous  éloignèrent  à  peine d’une  
 encablure de terre.  Cette dernière  manoeuvre  fut  répétée; 
   mais  nous  fûmes  tellement  contrariés,  qu’à  
 cinq heures du soir il  fallut nous  contenter  de laisser 
 DE  L’ASTROLABE.  e i 
 tomber  l’ancre  de  poste  à  une  encâblure  et  demie  
 de la  côte.  Nous  avions  consumé  treize  heures  dans  
 des travaux accablans et continuels, élongé,  mouillé,  
 el  relevé  une  foule  d’ancres  et  de  grelins,  et  nous  
 étions  moins  avancés  qu’en  commençant  la journée.  
 A  peine  les  canots  chargés  de  porter  les  ancres  el  
 les  grelins  se  trouvaient-ils  à  une  certaine  distance  
 du  navire,  que  le  courant les entraînait au  sud  avec  
 une  violence  irrésistible,  et  les  plus  longues  louées  
 se  réduisaient  à  un  demi-câble  ou  un  câble  au plus.  
 Dans  ce  funeste  bassin,  le  supplice  des  Danaïdes  
 se  renouvelait  pour  nous;  il  semblait  qu’un  malin  
 génie  se  plût  chaque jour à détruire en un  instant  le  
 fruit de nos plus longs efforts. 
 Depuis quelques jo u rs , je  souffrais assez vivement  
 de  douleurs  de  côté,  et  les  fatigues  successives  de  
 la journée  n ’ont  pas  contribué  à  les  apaiser.  Toute  
 la nuit il a régné une forte brise de N. O.  et O. N. O.  
 avec  des  rafales  et un  temps  clair. Nos  chaînes  déjà  
 bien  éprouvées nous rassurent,  autrement  notre  position  
 ne serait pas sans inquiétude. 
 A cinq heures et demie du matin, je  sautai  dans la  
 yole,  et j allai chercher un endroit  propre  à  recevoir  
 une ancre a jet a quatre encâblures au vent du navire,  
 afin de nous haler vers l’autre côté de la baie,  et nous  
 placer  définitivement  en  appareillage  avec  les  vents  
 régnans.  A mon extrême surprise,  en sondant à deux  
 ou  trois  cents  toises  de la passe,  je  trouvai  que tout  
 cet espace était occupé par un banc de sable recouvert  
 seulement  par  quinze,  douze,  et  même  onze  pieds 
 1827. 
 Janvier. 
 27. 
 ;  fi 
 i i î 
 ’ ■  •.•(¡ii ■  .'•fi 
 !