premier, remarqua que ces sauvages ne s asseyaient
qu’avec beaucoup de répugnance sous des fdets chargés
de pommes de terre '. Les premiers Européens
qui les visitèrent mirent à profit cette superstition
pour se débarrasser de l’importunité de leurs hôtes.
Pour cela ils n’eurent qu’à suspendre au plafond de
leurs cabanes un morceau de viande ; de ce moment
les naturels n’eurent garde d’en approcher 2. Ce
préjugé est tellement enraciné chez eux que certains
chefs faisaient quelquefois difficulté de descendre dans
les chambres des navires, parce qu’ils redoutaient
qu’on ne Aunt en ce moment à passer par-dessus leur
tête, en se promenant sur le pont.
Jamais il ne leur arrive de prendre leurs repas
dans l’intérieur de leurs maisons, et ils ne peuvent
souffrir que les Européens prennent cette liberté chez
eux 3. Si ceux-ci ont besoin de se rafraîchir, ils sont
obligés de sortir de la cabane pour avaler même un
verre d’eau.
C’est un oi-ime que d’allumer du feu dans un endroit
où des provisions se trouvent déposées 4.
Un chef ne peut pas se chauffer au même feu qu’un
homme d’un rang inférieur 5 ; il ne peut pas même allumer
son feu à celui d’un autre, etc., etc., sous peine
d’encourir le courroux de l’Atoua 6.
> S a v a g e , p. 23. — 2 Cruise, d’ü r v ., I I I , p. 647. — 3 M a rsd en ,
d ü r v . , I I I , p, 19 6. R u th e rfo rd , d’U rv ., I II, p. 749. N ich o la s, d’Urv.»
I I I , p. 596. — 4 M a rsd en , d’U rv ., III, p. 376. — 5 D 'U rv ille , I I , p. 82,
— 6 M a rsd en , d’Urv., I I I , p. 440.
Les malades atteints d’une maladie jugée mortelle ',
les femmes près d’accoucher sont mis sous l’empire
du tapou 2. Dès-lors ces personnes sont reléguées sous
de simples hangars en plein air, et isolées de toute
communication avec leurs parens et leurs amis. Certains
alimens leur sont rigoureusement interdits ;
quelquefois ils sont condamnés plusieurs jours de
suite à une diète absolue 3, et croient que la moindre
infraction à ces règles causerait à l’instant même leur
mort. Les malades riches sont assistés par un certain
nombre d’esclaves qui, de ce moment, partagent
toutes les conséquences de leur position 4. Pauvres,
iis sont réduits à la situation la plus déplorable, et
contraints de ramasser avec leur bouche les vivres
qu’on leur porte. L’accès des cases ou des malades
taboués est aussi rigoureusement interdit aux étrangers
qu’aux habitans du pays 5.
C’est ainsi que M. Nicholas nous dépeint l’état où
se trouva Doua-Tara du moment où sa maladie fut
déclarée mortelle. L’Atoua s’était établi dans son estomac
, et nul pouvoir humain n’eùt pu l’en chasser 6.
Doua-Tara était rigoureusement séquestré de toute
communication avec les profanes, et M. Nicholas eût
été massacré sur-le-champ s’il eût voulu violer le tapou?.
Par une exception spéciale, M. Marsden ne
put jouir de ce privilège qu’à son double titre d’ariki
I M a r s d e n , d ’ ü r v . , I I I , p . 19 6 , 4 1 8 . — 2 N ich o la s, d ü r v . , I I I ,
p . 5i)G. N ich o la s , II , p , i 3o , 166, — 3 M a rsd en , d’Urv., III, p . a o 3.
— ^ S a v a g e , p , 2 4 . — 5 Nich o la s, I , p , 358. — 6 N ich o la s , d ’U r v . , I I I ,
J). C 'i3 . — 7 N ic h o la s , I I , p . 167.