1827.
Janvier.
Pl. XL[.
2() VOYAGE
traits communs et insigmfians, esclaves sans doute
ou appartenant à la basse classe, eussent été volontiers
pris pour des hommes d’une autre race, tant
ils semblaient différer des chefs au premier abord.
Ces sauvages paraissaient connaître l’effet des armes
à feu, mais très-peu celui du fer et des instrumens de
ce métal, car ils n attachaient de véritable prix qu’aux
étoffes. Ils n’avaient apporté avec eux aucune sorte
d’armes, et leurs nattes étaient toutes en jonc ou en
écorce grossière de mouka ( Phormium tenax ), une
seule exceptée, d’un tissu fin et soyeux , que son possesseur
livra pour une mauvaise chemise de toile bleue
usée, après avoir refusé de l’échanger pour de belles
haches et même pour un sabre.
Après quelques essais, j ’eus bientôt reconnu que le
langage de ces insulaires était, au fond, le même que
celui de la baie des Ile s, à quelques différences près,
qm tenaient plus à la prononciation qu’à la nature
même des mots. Ainsi je pus me faire entendre passablement
d’eux au moyen des mots que j’avais appris
dans le vocabulaire des missionnaires.
Durant près de quatre heures que le calme leur
permit de passer avec nous, ils ne cessèrent de se
comporter avec la plus grande probité et une réserve
admirable pour un peuple si belliqueux et si avantageusement
traité par la nature sous les rapports physiques.
A onze heures, la brise se développa un peu au
N. N. E ., et les naturels se trouvaient déjà à deux
lieues de leur village qu’ils nous montrèrent au bord
de la mer dans un site agréable, et qu’ils nous nommèrent
Skoï-Tehai. Ils nous firent entendre qu’ils allaient
nous quitter, mais qu’ils reviendraient nôus voir le
jour suivant au mouillage avec leurs femmes. En effet,
ils s’en allèrent dans leurs pirogues, mais quatre chefs
me demandèrent à rester à bord, et j ’y consentis avec
le plus grand plaisir, ravi de cette preuve étonnante
de leur hardiesse et de la confiance entière que nous
leur avions inspirée
Je ne songeai plus qu’à me diriger vers le mouillage
quej’espérais rencontrer sur la côte occidentale, entre
la terre et les deux îlots près desquels nous avions
passé la veille. Le vent avait fraîchi au N. N. E. ; il me
fallut courir des bordées, par un fond uniforme de dix
à quinze brasses vase. A cinq heures un quart du
soir, arrivé à un mille de l’île Adèle, j ’expédiai M. Lot-
tin en avant pour éclairer ma route. A six heures, je
doublais, à moins d’une demi-encâblure de distance,
la pointe N. E. de l’île, et quelques minutes après je
laissai tomber l’ancre au milieu de l’anse qui reçut ri. xxxvii.
le nom de notre navire, par cinq brasses vase. Cette
fois, nos deux chaînes servirent à nous affourcher
en ce port, et nous nous en trouvâmes fort bien.
La facilité de leur manoeuvre et le peu de place
qu’elles exigeaient à bord, nous les rendaient déjà
fort utiles, et l’on ne tardera pas à voir qu’elles nous
devinrent bien autrement précieuses.
Qu’avec délices nous jouîmes encore une fois du
* Voyez note i.