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 Janvier. 
 Pl.  XL[. 
 2() VOYAGE 
 traits  communs  et  insigmfians,  esclaves  sans  doute  
 ou  appartenant  à  la  basse  classe,  eussent été  volontiers  
 pris  pour  des  hommes  d’une  autre  race,  tant  
 ils  semblaient différer des chefs au premier  abord. 
 Ces sauvages paraissaient connaître l’effet des armes  
 à feu, mais très-peu celui du fer et des instrumens de  
 ce métal, car ils n attachaient de véritable prix qu’aux  
 étoffes.  Ils  n’avaient  apporté  avec  eux  aucune  sorte  
 d’armes,  et  leurs  nattes  étaient  toutes en jonc ou  en  
 écorce  grossière  de mouka ( Phormium  tenax ),  une  
 seule exceptée,  d’un tissu fin et soyeux ,  que son possesseur  
 livra pour une mauvaise chemise de toile bleue  
 usée,  après avoir  refusé  de l’échanger pour  de belles  
 haches et même pour un sabre. 
 Après quelques essais, j ’eus bientôt reconnu que le  
 langage de ces insulaires était,  au fond,  le même que  
 celui de la baie des Ile s,  à quelques différences  près,  
 qm  tenaient  plus  à  la  prononciation  qu’à  la  nature  
 même des mots. Ainsi je pus me faire entendre passablement  
 d’eux  au moyen  des mots  que j’avais  appris  
 dans le vocabulaire des missionnaires. 
 Durant  près  de  quatre  heures  que  le  calme  leur  
 permit  de  passer  avec  nous,  ils  ne  cessèrent  de  se  
 comporter  avec la plus grande probité  et une réserve  
 admirable  pour  un  peuple si belliqueux  et  si avantageusement  
 traité par la nature sous  les  rapports physiques. 
 A  onze  heures,  la brise  se  développa  un  peu  au  
 N.  N.  E .,  et  les  naturels  se  trouvaient  déjà  à  deux  
 lieues  de  leur village  qu’ils  nous montrèrent au bord 
 de la mer dans un site agréable, et qu’ils nous nommèrent  
 Skoï-Tehai. Ils nous firent entendre qu’ils allaient  
 nous  quitter,  mais  qu’ils  reviendraient  nôus  voir  le  
 jour suivant au mouillage avec leurs femmes. En effet,  
 ils s’en allèrent dans leurs pirogues, mais quatre chefs  
 me  demandèrent à rester à bord, et j ’y consentis avec  
 le plus grand plaisir,  ravi  de  cette  preuve  étonnante  
 de  leur hardiesse  et de la  confiance  entière  que nous  
 leur avions inspirée 
 Je ne songeai plus qu’à me diriger vers le mouillage  
 quej’espérais rencontrer sur la côte occidentale, entre  
 la  terre et  les  deux  îlots  près  desquels  nous  avions  
 passé la veille. Le vent avait fraîchi au N. N. E. ; il me  
 fallut courir des bordées, par un fond uniforme de dix  
 à  quinze  brasses  vase.  A  cinq  heures  un  quart  du  
 soir, arrivé à un mille de l’île Adèle, j ’expédiai M. Lot-  
 tin en avant pour  éclairer ma route.  A six heures, je  
 doublais,  à moins d’une demi-encâblure de  distance,  
 la pointe N.  E.  de l’île,  et  quelques  minutes  après je  
 laissai  tomber  l’ancre  au  milieu  de  l’anse  qui  reçut  ri. xxxvii.  
 le nom  de  notre navire,  par cinq brasses vase.  Cette  
 fois,  nos  deux  chaînes  servirent  à  nous  affourcher  
 en  ce  port,  et  nous  nous  en  trouvâmes  fort  bien. 
 La  facilité  de  leur  manoeuvre  et  le  peu  de  place  
 qu’elles  exigeaient  à  bord,  nous  les  rendaient  déjà  
 fort utiles,  et  l’on ne  tardera pas à voir qu’elles nous  
 devinrent bien autrement précieuses. 
 Qu’avec  délices  nous  jouîmes  encore  une  fois  du 
 *  Voyez  note  i.