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 Tout  en  persistant  dans  leurs  rits  sanguinaires,  les  
 Nouveaux-Zélandais, par un sentiment de honte assez  
 naturel, n'aiment  point  à  en  rendre  témoins  les Européens, 
   car  ils redoutent à juste titre  leur mépris  et  
 leurs reproches. Par un sentiment semblable, quoique  
 beaucoup plus honorable,  les missionnaires ne se soucient  
 pas  que des étrangers,  et surtout des  Français,  
 acquièrent,  par de semblables faits, la preuve du peu  
 de progrès qu’ils ont  faits jusqu’à présent  sur l’esprit  
 de  ces peuples  barbares. 
 Enfin, nous rejoignîmes notre embarcation,  et nous  
 nous  étendîmes  sur l’herbe fraîche  pour  rétablir  nos  
 forces affaiblies par la course que nous venions de faire.  
 Une  foule  nombreuse  d’indigenes  nous environnait,  
 et  nous  regardait  paisiblement  prendre notre  repas.  
 D’un oeil  avide,  ils  suivaient les morceaux  que nous  
 portions  à la bouche,  et celui qui avait le bonheur de  
 recevoir de l’un de nous un peu de pain ou de viande ,  
 savourait  avec  délices cet aliment inusité,  .fe regrettai  
 sincèrement que la modicité de nos provisions, à peine  
 suffisantes pour nous-mêmes ,  ne nous permît pas de  
 faire un plus grand nombre d’heureux ; je mé contentai  
 donc  d’offrir aux  femmes  et aux  enfans  de  notre  ami  
 Rangui  les  restes  du  repas,  préférence  qui fit plus  
 d u n   jaloux,  mais  qui  trouvait  son  excuse  dans  le  
 rang  de  celui  qui  en était  l’objet  indirect.  Je  voulus  
 ensuite faire savoir à ces insulaires  que s’ils  voulaient  
 porter a bord des cochons et des pommes de te rre , ils  
 recevraient en retour les objets qui leur seraient le plus 
 agréables; mais M. W^illiams m’expliqua qu’à Kawa-  
 Kawa  ils  ne  cultivaient  guère  que  la  patate  douce,  
 dont la récolte était encore éloignée,  et qu’ils ne voulaient  
 pas même élever de cochons,  parce qu’ils redoutaient  
 les ravages de cet animal dans leurs  champs  de  
 patates. Ce même motif les a fait jusqu’à présent s’opposer  
 aux  efforts  des  missionnaires  pour  introduire  
 des bêles  à  corne  le  long  des bords du Kawa-Kawa.  
 Pendant de longues années encore, la ridicule superstition  
 du  tapou  s’opposera  à  ce  que  ce  peuple  puisse  
 faire  aucun  progrès  dans  l’agriculture,  ni  dans  les'  
 arts  qui  en  dépendent. 
 Nous nous sommes rembarqués vers midi et demi ;  
 la marée était tout-à-fait basse,  et bientôt nous  avons  
 trouvé la rivière réduite à un filet  de  six à huit pouces  
 d’eau seulement.  Il a fallu traîner le canot l’espace de  
 près  de  deux milles.  Durant ce  temps,  M.  Gaimard  
 et moi,  nous  nous  sommes  enfoncés  dans  de  vastes  
 marais  sur  la  gauche  de  la  livière;  couverts  d’eau  à  
 haute mer ,  ils  étaient alors entièrement à sec.  Sur ce  
 sol fangeux, nous recueillîmes une espèce d’ampullaire  
 quis’y trouve très-commune, e tn ’observâmes quequel-  
 ques oiseaux derivage, comme canards, chevaliers, etc.  
 Une  seule  espèce  d’a rb re ,  disposée  en  touffe  peu  
 élevée,  habite  ces  plaines  submergées. 
 Après beaucoup de peine, le canot parvint dans l’endroit  
 où le lit du to rren t, devenu un peu plus profond,  
 permitaux canotiers de faire usage des avirons. Malgré  
 la résistance  que nous  fit éprouver  le  flot  qui  entrait  
 avec  force,  nous  atteignîmes  l’entrée  de  la  baie  de 
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