
 
        
         
		VOYAGE 
 > 
 152 7. 
 Février. 
 leur  rendre  raison  de  leur  insulte.  Ceux  du  bord,  
 mornes  et  confus,  proférèrent  à  peine  quelcjues paroles. 
 Du reste, les étrangers ne voulurent point accoster  
 de nouveau,  et  ils  me  demandèrent des hacbes  d’un  
 ton d’autorité; je  leur  répondis  avec  modération que  
 s’ils  apportaient  des  cochons  à b o rd ,  ils  en  auraient  
 autant qu’ils voudraient. Sur cela ils s’éloignèrent sans  
 autre communication  avec  nous  : j ’en éprouvai un regret  
 sincère,  car  j ’eusse  été  bien  aise  de  les  questionner  
 et de connaître au juste la raison de leur supériorité  
 sur nos premiers hôtes. 
 Ma  première  conjecture  fut  qu’ils  appartenaient à  
 une tribu ennemie : mais ils s’étaient présentés en trop  
 petit nombre pour avoir osé défier, comme ils le firent,  
 les  autres  Zélandais  réunis à bord.  En outre,  ceux-ci  
 nièrent  constamment  que  les  hommes  de  la pirogue  
 fussent  leurs  ennemis ,  ils  finirent même par affirmer  
 que c’étaient au contraire des amis et des parens à eux.  
 Du  reste,  il  m’était aisé d’apercevoir  que mes  questions  
 à cet  égard ne leur plaisaient point ;  le plus souvent  
 ils  les  éludaient,  surtout  Shaki  qui  faisait  tout  
 son possible  pour  détourner la conversation sur tout  
 autre sujet. 
 Par  suite  de  ce que je  connaissais  déjà des moeurs  
 et  de  la constitution  politique  de  ces  peuples,  voici  
 l’opinion  qui me parut la  plus  probable.  Comme sur  
 tous les autres points de la Nouvelle-Zélande,  les  naturels  
 de  Houa-Houa  vivent  en  petites peuplades indépendantes  
 ,  sous la direction ou plutôt sous la proteetion  
 de  leurs  chefs  particuliers.  Sans  doute  ceux  
 qui arrivèrent les premiers à bord n’appartenaient qu’à  
 des tribus  faibles  el  sans  crédit,  tandis  que  ceux  de  
 la dernière pirogue provenaient de quelque tribu puissante  
 et  commandée  peut-être  par  quelque  ariki  redouté, 
   comme Shongui à  la baie  des Iles et Poro sur  
 la partie nord d’Ika-Na-Mawi. Les premiers, craignant  
 de voir  leurs  voisins  leur  enlever,  par  leur crédit  et  
 leur  opulence, les trésors de l’Europe,  et voulant les  
 écarter, tentèrent de s’en défaire en nous engageant d’abord  
 à faire  feu dessus,  ensuite  en leur persuadant  à  
 eux-mêmes que mon intention était de les détruire. Ainsi  
 s’explique  l’arrogance  des  étrangers,  comme  la  patience  
 surprenante avec laquelle les autres écoutèrent  
 leurs  reproches et leurs provocations.  Chez  ces peuples  
 ,  ainsi que partout ailleurs, un allié trop puissant  
 est souvent plus à craindre qu’un ennemi qu’on pourrait  
 combattre à  armes  égales. 
 La  seule  tête préparée  qui parut ici  [moko mokaï)  
 fut apportée dans cette pirogue,  et achetée par l’agent  
 comptable pour quelques grains de verre de couleur  ;  
 elle  était bien  préparée,  bien  conservée,  et avait  appartenu  
 à  quelque  personnage  distingué.  Il  est  fâcheux  
 qu’elle n’ait point été apportée  en France,  car  
 elle donnait très-bien le beau type  de  ce  peuple et les  
 traits d’un tatouage complet. 
 Ici le Pihe  commence à être connu,  quoique Shaki  
 ne  pût m’en  réciter  que  quelques  strophes  qu’il  reprenait  
 uniformément  et  souvent  vingt  à  trente  fois  
 de  suite.  Mais  R.au-Tangui,  jeune  fille  très-éveillée 
 r 
 •,   !.   l'i,  
 . M i ‘! 
 t1 l1i, :|  
 îi  fi!j;  I  
 liill