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 incultes  el déboisés <.  Cette fougère  a  reçu des naturalistes  
 le  nom de pteris  esculenta,  et  c’est la même  
 qui, dans toute l’Australie, fournit aussi l’aliment habituel  
 des  indigènes.  C’est  peut-être  l’unique  trait  de  
 ressemblance que  les  fiers  insulaires  de  la Nouvelle-  
 Zélande  aient  avec  les  misérables  créatures  clairsemées  
 sur la surface de la Nouvelle-Hollande. 
 Comme les racines de cette plante s’enfoncent  profondément  
 en  te rre ,  les  Zélandais  se  servent  pour  
 les arracher de  pieux  aiguisés  et munis  d’une espèce  
 d’étrier  afin d’y appuyer  le  pied,  ce  qui  leur  donne  
 tout-à-fait la forme d’échasses 2.  Ils mettent en bottes  
 ces  racines  qu’ils  laissent  sécher  quelques jours à la  
 chaleur  du  soleil ; une fois desséchées,  elles  se  conservent  
 plus  ou  moins  long-temps  sous  le  nom  de  
 nga  doue.  Quand  on  veut  s’en  servir,  on  présente  
 la racine  au  feu  pour  la  griller  légèrement,  puis  on  
 la  bat  quelque  temps  sur  une  pierre  avec  un  petit  
 maillet particulièrement  destiné  à  cet  emploi pour la  
 ramollir. C’est  à  cet  état que les  naturels  la  mâchent  
 entre  leurs  dents  ;  en  temps  de  disette  et  à  défaut  
 d’autre  nourriture  ils  avalent  tout ;  autrement  ils se  
 contentent  de  la mâcher jusqu’à  ce  qu’ils en  aient extrait  
 tout  le  principe nutritif et  sucré,  et rejettent la  
 partie fibreuse 5. 
 ■  Cook,  prem.  V o y .,  I I I ,  p.  278.  Crozel,  d ü r v . ,   I I I ,  p.  5g.  Savage,  
 p.  57.  Nicholas,  d ü r v .,  I I I ,  p.  5g4. —   2  Crozel,  d Ü r v . ,  III,  p.  64. —  
 3  Cook,  deux.  V o y .,  I I ,   p.  120.  Trois.  V o y .,  I ,   p.  202.  Crozel,  d ü r v .,  
 I I I ,  p.  60.  Savage,  p.  9.  Sainson,  dÜ r v .,  I I ,  p.  2 5 8 .  Ralherford,  d’ü r v .,  
 I I I ,  p.  7 3 6 . 
 D E   L’A STROLABE. 4 6 7 
 M.  Nicholas  trouve  à  cette  racine  chaude un goût  
 doux et  agréable,  et dit  qu’après  un  long séjour dans  
 l’eau  elle dépose une substance glutineuse qui ressemble  
 à  de la gelée ■. D’autres Européens  en  ont mangé  
 avec plaisir,  et  les Anglais qui se fixent dans ces contrées  
 éloignées s’accoutument promptement à ce genre  
 de nourriture. Un jour queje visitais avec Touai le pâ  
 de Kahou-Wera, je voulus  goûter  de  cette racine,  et  
 ce chef m’en  choisit  dans  une  corbeille  un  morceau  
 qu’il m’assura  être  de  la  meilleure  qualité.  Un goût  
 faiblement miicilagineux, une pâte visqueuse, du reste  
 parfaitement insipide,  et  une  consistance coriace,  furent  
 tout ce  que je  sentis ,  et il me fut impossible d’avaler  
 le morceau  que je  portai à  ma bouche.  T ouai,  
 au  contraire  ,  qui  venait  de  déjeuner  copieusement  
 avec moi,  en  mangea  sur-le-champ  plusieurs  morceaux  
 avec  une  satisfaction  évidente,  et  il  m’assui'a  
 que c’était fort b o n ,  bien qu’inférieur pour la  qualité  
 à  notre tara,  pain. 
 Quoi  qu’il en  soit,  les  esclaves  mangent  rarement  
 autre chose que de la racine de fougère, et dans toutes  
 les  circonstances possibles,  c’est  la  ressource immédiate  
 de toutes  les classes de  la société. Ces insulaires  
 en  font  des  récoltes  considérables  qu’ils  conservent  
 en  magasin  2  toutes  prêtes  à  leur  servir  d’approvisionnement  
 en cas de siège  de  la  part  de  leurs ennemis, 
   ou de provisions de campagne quand  ils vont  les  
 attaquer sur leurs pirogues. 
 Crozet,  d’Urv.,  I I I ,  p.  67. 
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