i i 8 2 VOYAGE DE L’ASTROLABE. 83
%.
1827.
Janvier.
de me débai'rasser de mes deux bôles devenus fort
ennuyeux. Tourmentés à la fois par le mal de mer et le
l'cgTcl du pays, ils n’ont plus gardé de retenue et se
sont abandonnés à toute leur douleur. Tehi-Nouï particulièrement
est de l’humeur la plus maussade et se
jflaint continuellement. Il voulait absolument que je
le ramenasse chez lui [Houta). Dans ce but, il employait
d’abord les caresses, les prières et les supplications,
puis les promesses qu’il jugeait le plus de
nature à me séduire. Voyant que je ne me rendais
point à ses instances réitérées pour le reconduire à
hou ta, il se livra à toute sa colère, et employant les
termes les plus méprisans de sa langue, il me traita de
kaore rangatira, tangata iti iti, tangata (pas
gentilhomme, homme de rien, esclave). Il me parla
beaucoup aussi d’un nommé Kapane, sans doute quelque
capilaine baleinier qui avait visité sa trib u , qu’il
me disait être son ami, dont il me vantait la puissance
et du ressentiment duquel il me menaçait parfois. Ce
pauvre homme me faisait vraiment pitié, et j ’eusse
bien voulu accéder à ses voeux ; mais je n’avais pas de
temps à perdre et la còte n’était pas accessible.
Plus sage et plus résigné, Koki-Hore endurait son
mal en patience et ne disait mot. Seulement m’ayant
représenté qu’ils avaient froid, et moi lui ayant fait
comprendre qu’ils pouvaient aller se chauffer au feu de
la cuisine, il me répondit qu’il le pouvait sans danger,
lui qui n’était pas gentilhomme, mais que cela était défendu
à Tebi-Nouï qui, en sa qualité de rangatira et
d’ariki, était tapoa-tapou (sacré au plus haut degré), et
que s’il se chauffait au feu commun de nos gens, son
(Dieu) le tuerait. Pour mieux me le confirmer, il
serrait tendrement son chef dans ses bras et paraissait
désolé à la seule idée de le perdre ; il avait constamment
pour lui les plus grands égards et ne se départit
jamais vis-à-vis de lui des sentimens d’un serviteur
fidèle, affectionné et respectueux. Sous tous les rapports
, Koki-Hore était beaucoup plus intéressant que
Tehi-Nouï, et je regrettais vivement que celui-ci fût
avec lui, car il se serait certainement accoutumé à
nous et aurait même pu vivre heureux à bord. Au premier
beau temps, je compte accoster la terre et les y
déposer l’un et l’autre.
Dans l’après-midi, nous avons vu un bon nombre
d’albatros, de pétrels bruns au ventre blanc, de petites
sternes, de fous à tête fauve, ainsi que des dauphins à
ventre blanc. Vers neuf heures du soir, à huit milles
de la côte, nous n’eûmes point de fond par cent
brasses. Toute lanuit, il y eut calme ou de folles brises
de la partie du no rd , avec une petite pluie presque
continuelle. Nous la passâmes aux petits bords sous
les huniers.
Au jour, nous nous sommes trouvés à douze milles
de la côte, peu loin de l’endroit désigné sous le nom de
Pointe Plate sur la carte de Cook (Tehouka-Kore de
nos Zélandais). La terre, médiocrement élevée, descend
ici en pente douce jusqu’à la mer et doit être bien
peuplée, car nous avons vu plusieurs feux à la côte.
Une petite brise de N. N. E. le matin varia au S. E,
vers midi, et me permit enfin de me rapprocher de
; février.