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 %. 
 1827. 
 Janvier. 
 de  me  débai'rasser  de mes  deux  bôles  devenus  fort  
 ennuyeux. Tourmentés à la fois par le mal de mer et le  
 l'cgTcl  du  pays,  ils  n’ont plus  gardé  de retenue et  se  
 sont abandonnés à toute leur douleur.  Tehi-Nouï particulièrement  
 est de l’humeur la plus  maussade  et  se  
 jflaint  continuellement.  Il  voulait  absolument  que je  
 le  ramenasse  chez  lui  [Houta).  Dans  ce but,  il  employait  
 d’abord  les  caresses,  les prières et les supplications, 
   puis  les  promesses  qu’il  jugeait  le  plus  de  
 nature  à  me  séduire.  Voyant  que  je  ne  me  rendais  
 point  à  ses  instances  réitérées  pour  le  reconduire  à  
 hou ta,  il se livra  à  toute  sa  colère,  et  employant les  
 termes les plus méprisans de sa langue, il me traita de  
 kaore rangatira,  tangata  iti iti,  tangata  (pas  
 gentilhomme,  homme de  rien,  esclave).  Il me  parla  
 beaucoup aussi d’un nommé Kapane,  sans doute quelque  
 capilaine baleinier  qui  avait  visité  sa  trib u ,  qu’il  
 me disait être son ami, dont il me vantait la puissance  
 et du ressentiment duquel il me menaçait  parfois.  Ce  
 pauvre  homme  me  faisait  vraiment  pitié,  et  j ’eusse  
 bien voulu accéder à ses voeux ; mais je n’avais  pas  de  
 temps à perdre et la còte n’était pas accessible. 
 Plus sage et plus résigné,  Koki-Hore  endurait son  
 mal  en  patience  et ne  disait mot.  Seulement m’ayant  
 représenté  qu’ils  avaient  froid,  et  moi  lui  ayant  fait  
 comprendre qu’ils pouvaient aller se chauffer au feu de  
 la cuisine,  il me répondit qu’il  le pouvait sans danger,  
 lui qui n’était pas gentilhomme, mais que cela était défendu  
 à Tebi-Nouï  qui,  en  sa  qualité  de  rangatira  et  
 d’ariki, était tapoa-tapou (sacré au plus haut degré), et 
 que s’il se chauffait  au feu  commun de nos gens,  son  
 (Dieu) le tuerait. Pour mieux me le confirmer, il  
 serrait tendrement son chef dans ses bras et paraissait  
 désolé à la seule  idée  de  le  perdre ;  il  avait  constamment  
 pour lui les plus  grands égards et ne se départit  
 jamais  vis-à-vis  de  lui  des  sentimens  d’un  serviteur  
 fidèle,  affectionné  et respectueux.  Sous tous  les rapports  
 , Koki-Hore était beaucoup plus intéressant que  
 Tehi-Nouï,  et je  regrettais  vivement  que  celui-ci  fût  
 avec  lui,  car  il  se  serait  certainement  accoutumé  à  
 nous et aurait même pu vivre heureux à bord. Au premier  
 beau  temps, je compte  accoster la terre et  les  y  
 déposer l’un et l’autre. 
 Dans l’après-midi,  nous  avons  vu  un  bon  nombre  
 d’albatros, de pétrels bruns au ventre blanc, de petites  
 sternes,  de fous à tête fauve,  ainsi que des dauphins  à  
 ventre blanc.  Vers neuf heures  du  soir,  à huit milles  
 de  la  côte,  nous  n’eûmes  point  de  fond  par  cent  
 brasses. Toute lanuit, il y eut calme ou de folles brises  
 de la  partie du  no rd ,  avec  une  petite  pluie  presque  
 continuelle.  Nous  la passâmes  aux  petits  bords  sous  
 les huniers. 
 Au jour, nous nous sommes trouvés à douze milles  
 de la côte, peu loin de l’endroit désigné sous le nom de  
 Pointe Plate sur  la carte de Cook  (Tehouka-Kore  de  
 nos Zélandais).  La  terre,  médiocrement élevée,  descend  
 ici en pente douce jusqu’à la mer et doit être bien  
 peuplée,  car nous  avons  vu  plusieurs  feux  à la  côte.  
 Une petite  brise de N.  N.  E.  le matin  varia  au  S.  E,  
 vers midi,  et me  permit  enfin  de  me  rapprocher  de 
 ;  février.