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 dislinclion  et  de  privilège  bien  plus  positives  qu’à  
 Taïti,  Tonga-Tabou, Hawaii,  etc. 
 Opération.  L’opérateur commence par  tracer  sur  la peau avec  
 du charbon les dessins  qu’il a l’intention  d’exécuter  
 puis  il  pi'end  un instrument  composé d’un os d’albatros  
 ,  ajusté  à  angle droit  à  un  petit manche  en  bois  
 de  trois  ou  quatre  pouces  de  long,  dans  la  forme  
 d’une  lancette  de vétérinaire.  L’os  est  tantôt simplement  
 tranchant  à  son extrémité, tantôt aplati et muni  
 de plusieurs  dents  aiguës  comme un peigne.  II  applique  
 cet  instrument contre  la peau,  et  frappe avec un  
 petit bâton sur  le  dos du ciseau pour le faire pénétrer  
 dans l’épiderme et l’entailler d’une manière suffisante,  
 en  suivant  le  dessin  préparatoire.  On  conçoit que le  
 sang doit couler en abondance, mais l’opérateur a soin  
 de  l’essuyer  à  mesure  avec  le  revers de  sa  main  ou  
 avec une  petite spatule  en bois. A mesure que la peau  
 est entaillée, la couleur ou le moko est introduite dans  
 la coupure au moyen  d’un  petit pinceau.  Elle  se compose  
 de  charbon  pilé 2,  de  manganèse,  suivant Nicholas, 
   ou enfin d’une teinture végétale 3. Après quoi  
 le patient  reste taboué durant trois jours 4. 
 Rien n’est plus douloureux à subir que cette opération, 
  il  faut quelquefois  plusieurs mois pour terminer  
 un  moko 5;  les  suites  en  sont souvent  plus pénibles  
 que l’opération elle-méme 6,  à cause des plaies qui en 
 1  Savage,  p.  46.  Nicholas,  I I ,  p.  i 5 3 .  Cruise,  p.  r 3 y» —   2  Revue B r itannique, 
   d’ü r v . ,   I I I ,  p.  722.  —   3  Crozet,  d’ü r v .,  I I I ,  p.  6 3 .  Marsden,  
 d’ü r v .,  I II,  p.  3 10. —   4  Rutherford,  d’Ü rv .,  II I ,  p.  740.  —   5  S a m g e ,  
 p.  46.  —   6  Nicholas,  I ,   p.  36o.  Blosseville,  d’Urv.,  I I I ,  p.  6 g 5 . 
 D E   L ’ASTROLABE. 4 4 9 
 résultent  et  que certaines  circonstances peuvent  envenimer  
 d’une manière effrayante.  Les  naturels nous  
 exprimaient  par  des  gestes très-significatifs  les  douleurs  
 intolérables  que  l’opérateur  leur  faisait éprouver  
 quand  il  venait  à  attaquer le bord  des lèvres,  le  
 coin de l’oeil, et surtout la cloison des narines. 
 Les jeunes  gens  ne  subissent  guère  les  premières  
 opérations  du  moko  avant  l’âge  de  vingt  ans;  il  est  
 rare aussi qu’ils soient admis à  cet honneur avant d’avoir  
 assisté à quelques combats. 
 Il  est impossible de prétendre  à aucune  considération  
 , à aucune influence dans  sa trib u ,  sans avoir été  
 soumis  à  celte opération. Le jeune homme qui  s’y refuse  
 ,  quand même  il  appartient  à une  famille distinguée  
 ,  est  regardé  comme  un  être  pusillanime,  efféminé  
 ,  et  indigne  de participer aux honneurs militaires  
 ' ; aussi est-il fort rare que ce cas  se présente. Cet  
 usage  semble généralement  répandu  dans  toute  la  
 Nouvelle-Zélande,  et les habitans du détroit  de Cook  
 nous  ont paru  aussi  vains de  leur tatouage  que ceux  
 des parties  septentrionales  d’Ika-Na-Mawi. 
 Cet ornement est interdit aux koukis,  aux bommes  signe  
 du peuple, et même à ceux qui n’osent se présenter aux  distiuction. 
 combats,  à moins qu’ils ne soient autorisés à le porter  
 par une haute naissance. Touai m’assurait que les hommes  
 du  peuple  acquéraient  le droit du moko  par des  
 exploits  à  la guerre 2,  et  qu’après  une campagne ho- 
 I  Marsden,  dÜrv. ,  I I I ,  p.  2 9 1 ,  3o 3. Omise,  d’ürv.,  IH,  p.  6 .5, .   D'Ur-  
 ville,  I I ,  p.  202.  Reme  Britannique,  d’Urv.,  III,  p.  722.  —   2  TurnhuU,  
 d’Urv.,  III,  p.  93. 
 TOME  II.  3 ,