les marées ne laissaient qu’à peine un qna rt d’heure de calme ,
après quoi les courans se faisaient sentir avec une excessiv!
violence. Malgré la petitesse de ce hàvre entouré de hautes
montagnes , les fortes brises qui se mirent à souffler nous colleront
su r la terre sans pouvoir appare ille r de plusieurs jours
Noms cha,ssâmes même souvent, ee qui donna beaucoup de travail
à l’éqiupagc. Enfin nous parvînmes à nous placer au milieu
du canal assez près de la passe et sur une seule ancre. Les
rafales qui eu ren t lieu la n u it, jointes à la mauvaise tenue et
a la force du c o u ra n t, ne ren d iren t pas cette position b e au coup
plus belle que les précédentes; car en chassant nous
étions directement entraînés au travers des rochers de la passe.
Le lend ema in , au commencement du descendant de la m a rée,
on ap pareilla à l’aide d’une petite b rise , q u i, ayant m an q
u é , nous laissa à la merci du co u ran t qui nous eut bientôt
portes dans la passe. La corvette ne po u v an t sc servir de ses
voiles toucha deux fois avec force , en in c lin an t beaucoup à la
seconde, sur les rochers de gauche do n t la chaîne était à découvert
; mais elle pa ra p a r la violence même du co u ran t et
descendit majestueusement dans une vraie Cascade de remoux
et de tourbillons. Dans cette circonstance le capitaine d’U r-
ville montra une persévérance et une ténacité dignes des plus
célèbres n avigateurs, et sa manoeuvre fut une manoeuvre in trépide.
P en d an t cette scène rapide et dramatique de notre n a vigation
du 28 janvier, il n ’était pas sans in té rê t de n ’entcndrc
d autre b ru it que celui de la mer su r les rochers qui nous en to
u r a ie n t, et de voir sur ces figures brûlées p a r le soleil rég n e r
la sorte d’anxiété que comportait la circonstance. Passerons-
nous ou y resterons-nous? telle était la question q u ’un in stan t
devait décider ; car si la corvette fû t demeurée dix minutes sur
la roche où elle toucha , la marée baissait si rapidement q u ’elle
pouvait s’y perdre et la campagne se te rmine r là. L ’équipage
au ra it pu sc sauver et gagner en p a rtie , .avec beaucoup de
p eine, la baïc des Ile s, distante de deux cents lieues, que fréquentent
les navires anglais.
Ce passage, qui p rit le nom de Passe des Français, nous évita
de ren tre r dans le détroit de Cook et de co ntourner une île
considérable do n t l’existence n’était pas constatée.
( E x tra it du Journal, de M . Quoy. )
Le 22 janvier, après avoir fait une ample récolte d’objets
d’hi.stoirc n a tu re lle , nous quittâmes l’anse de l’Astrolabe. Le
2 3 , nous mouillâmes sur u n autre p o in t de la baie T a sm an ,
q ui est sa in e , profonde et d’une q uarantaine de lieues de to u r.
P e n d a n t la n u i t , un vent très-violent fit casser le câble, et nous
eût infailliblement jetés à la côte sans la chaîne en fer qui nous
re tin t. Le 2 4 , nous fûmes de nouveau dans une position très-
c ritiq u e ; mais la journée la plus memorable de notre séjour
dans le détroit de Cook fut celle du 28 janvier.
Prè s de l’anse des T o rren s, où nous étions, une petite île , non
indiquée sur les cartes, est séparée de la partie méridionale de la
Nouvelle-Zélande ou T av a ï-P o u n am o u p a r un passage é tro it,
bordé de récifs, où des courans très-forts et irréguliers se font
sentir, etfo rm en t des tourbillons extrêmement remarquables. Ce
p a s sag e ,d é co u v e rtp a rM . d’U rville , é tab litu n e com m u n ic a tio n
entre la baie Tasman et la baie de l’Amirauté. T ou s les lieux
voisins furentsondèsavec soin, et l’on s’assura q u e n o tre n a v ire , à
marée h a u te , p o u rra it passer s’il rangeait bien exactement la
côte de la grande terre. Le 28 janvier, à b u it heures u n q u a rt
du matin , nous appareillons , aidés d’une brise légère. A peine
engagés dans ce p assage, le vent calme a u s s itô t, et nous laisse
livrés aux courans qui nous p o rten t avec rapidité .sur les b r isans.
Deux fois la corvette touche avec assez de violence ; deux
fois elle incline assez fortement ; des fragmens de la contre-quille
paraissent sur l’eau et sont entraînés p a r les tourbillons des
courans. Notre position é ta it p é n ib le , j’en co n v ien s, mais le
spectacle que nous avions sous les y e u x , jo in t au silence p ro fond
de l’équipage et à l’impression si variée que le danger
p ro d u it sur la physionomie de l’homme, nous offrait to u t l’inté
rê t d’un drame "dont rien ne p o u v a it re ta rd e r le dénouement.
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