On se condamne au tapou, au départ d’une personne
chérie, pour attirer sur elle la protection de la
Divinité On voit que la mère de Shongui se taboua
lorsque ce chef partit pour l’Angleterre, et unefemme
était chargée de la faire manger 2. Alors le tapou représente
assez bien ce que quelques dévots catholiques
entendent par le mot de voeu.
Quand une tribu entreprend la guerre, une prêtresse
se taboue, elle s’interdit toute nourriture durant
deuxjours ; le troisième, elle accomplit certaines
cérémonies pour attirer la bénédiction divine sur les
armes de la tribu 3.
Il est des saisons et des circonstances où tout le
poisson qu’on pêche est lapou 4, surtout quand il s’agit
de faire des provisions d’hiver 5. Là on retrouve le
but politique qui fit instituer les carêmes et autres interdictions
semblables en Lurope et ailleurs.
Un jour M. Kendall ayant offert du porc à Waraki
qui était venu le visiter tandis qu’il dînait, ce
chef en mit un morceau entre ses dents, fit une longue
prière et le jeta ensuite. Puis il dit qu’il allait
manger comme à l’ordinaire 8.
C’est par le tapou que les Zélandais scellent un
marché d’une manière inviolable. Quand ils ont arrêté
leur choix sur un objet qu’ils n’ont pas le moyen
de payer sur-le-champ, ils y attachent un fil en proférant
le mol tapou; on est certain qu’ils viendront le
reprendre du moment où ils pourront en livrer la
valeur '.
Le tapou joue ainsi le rôle le plus important dans
l’existence du Nouveau-Zélandais. Il dirige, détermine
ou modifie la plupart de ses actions. Par le tapou,
la Divinité intervient toujours dans les moindres
actes de sa vie publique et privée, et l’on sent quelle
influence une telle considération doit avoir sur l’imagination
d’hommes pénétrés dès leur plus tendre enfance
d’un préjugé aussi puissant. M. Nicholas m’a
paru être le premier voyageur qui ait bien saisi toute
la valeur et toutes les conséquences du tapou chez
les Nouveaux-Zélandais. Voici dans quels termes il
s’exprime sur cette institution ; « Pour suivre la valeur
du mot tabou dans ses acceptions nombreuses et
variées, il faudrait détailler minutieusement toutes les
circonstances de l’économie politique de ce peuple,
tâche au-dessus de mes forces. Il règle non-seulement
leurs institutions, mais encore leurs travaux journaliers
, et il y a à peine un seul acte de leur vie auquel
cet important dissyllabe ne se trouve mêlé. Bien que
le tabou les assujettisse, comme on a pu voir, à une
foule de restrictions absurdes et pénibles, il est néanmoins
fort utile par le fait dans une nation si irrégulièrement
constituée. Kn l’absence des lois, il leur
offre la seule garantie capable de protéger les personnes
et les propriétés en leur donnant un caractère