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 Janvier. 
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 en eùl pu conserver (juelque vestige,  tant la deslruc-  
 lion du navire eût été complète. 
 Toute  vive qu’elle  était  déjà,  notre  anxiété  devint  
 plus  grande  encore,  quand,  à  deux  heures  quarante 
 cinq  minutes,  voyant  que  nous  chassions  de  
 nouveau,  nous  reconnûmes  que  le  cable  de  bâbord  
 était  coupé.  Nous  filâmes  à l’instant  soixante brasses  
 de la chaîne qui était devenue notre unique ressource,  
 et nous étalingâmes un câble neuf sur l’ancre de veille  
 à  trib o rd ,  toute  prête  à  mouiller  en  cas  de  besoin.  
 Mais  la  chaîne  seule  nous  soutint. D’ailleurs le vent  
 mollit  tout-a-coup,  la  houle  s’apaisa,  et  le  temps  
 s’embellit comme par  enchantement. Quiconque s’est  
 trouvé en pareille situation doit sentir de quel fardeau  
 nous  fûmes  soulagés. 
 A  peine  le  jour  commençait  à  poindre  que  nous  
 nous ocrapâmes de haler à bord le bout du câble cassé:  
 d avait été coupé à douze brasses de l’étalingure, et en  
 outre  fortement  ragué  en  plusieurs  autres  endroits.  
 Ceci  nous  prouva  que le fond était  semé  de rochers  
 tranchans,  et  nous  nous  félicitâmes  de  ce  que  cet  
 accident n avait pas eu lieu au fort du mauvais temps. 
 ^  Le  grand  canot  porta  deux  grelins  sur  l’orin  de  
 I ancre,  afin de la sauver. A huit heures nous virâmes  
 sur la chaîne, et quand l’ancre vint au niveau de l’eau,  
 nous  reconnûmes,  avec  autant de  surprise que de regret, 
  qu’une de ses pattes était cassée,  ce qui avait été  
 aussi occasioné sans doute par la nature du fond. Ainsi  
 durant plusieurs heures le salut de l’Astrolabe n’avait  
 pour ainsi dire tenu qu’à un fil !... 
 Nous virâmes  ensuite  sur  l’ancre du  câble  coupé,  
 en avant soin de renforcer l’orin par un solide maillon.  
 Cette  précaution  nous  fut utile,  car  à  peine  l’ancre  
 approchait-elle de la surface de la mer que  l’orin rompit  
 ,  et  sans le maillon l’ancre était perdue. 
 A  neuf heures dix minutes,  nous  commençâmes à  
 faire  route  sous  petite voilure,  pour  donner dans  le  
 canal  de  communication  des  deux  baies  : nous  laissâmes  
 près de n o u s,  à bâbord,  deux roches sous l’eau  
 fort dangereuses ,  puis nous nous  trouvâmes dans un  
 bassin  d’une eau  paisible et qui n’offrait  alors  aucune  
 apparence de courant. Comme la brise dépendait toujours  
 de l’ouest, je serrais la bande occidentale à deux  
 cents  toises  de distance,  pour me maintenir au vent. 
 Notre  navigation dans ce chenal étroit  et  encaissé,  
 entre deux chaînes de montagnes  élevées,  avait quelque  
 chose d’imposant. D’un  côté  des  forêts épaisses,  
 de  l’autre des taillis ou  seulement de hautes fougères ;  
 derrière nous  les  côtes  de  la baie  Tasman  s’enfuyant  
 à l’horizon ;  devant nous  les  îles et  les îlots  de la baie  
 de l’Amirauté,  apparaissant par le travers de la passe  
 comme par un tube d’optique,  et grandissant graduellement  
 à  nos  yeux  :  tel  était  le  spectacle  extraordinaire  
 dont  nous  aurions  pu jo u ir,  si  les  soucis  du  
 navire n’étaient venus nous en empêcher. 
 , ^Parvenu  à quatre cents toises  environ de la passe,  
 je vis  qu’elle  était  presque  complètement  barrée  par  
 des rochers  à  fleur-d’e au,  et je  fus  obligé  d’envoyer  
 M. Gressien  pour  la reconnaître de plus p rè s,  tandis  
 que j’avançais lentement  sous  une très-faible voilure. 
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 1827, 
 Janvier. 
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