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 terre.  A  trois  heures  et  demie  du  soir,  nous  faisons  
 notre station à trois  lieues environ  de la pointe Castle  
 de  Cook,  par  soixante  et  quinze  brasses,  fond  de  
 sable vasard et coquilles.  C’est un gros morne taillé à  
 pic sur ses flancs,  ressemblant un peu à une fortification, 
   et  près  duquel  au  nord  se  trouve  un  l’ocher  
 noir,  plat  et  alongé,  qui  forme une  petite  île sous la  
 côte. 
 Les terres voisines ont encore un aspect assez agréable, 
   mais  on  n’aperçoit  aucun  mouillage  praticable.  
 Les coteaux  sont  bien boisés,  et  sur  les  sommets  de  
 l’intérieur  on  distingue  des  arbres  qui  doivent  être  
 d’une  élévation prodigieuse,  eu égard  à  l’angle  sous  
 lequel ils se montrent, malgré leur éloignement. 
 Les  deux  naturels,  toujours  attristés,  sont restés  
 couchés presque toute la journée dans le grand canot,  
 les yeux languissamment fixés sur la pointe de Kawa-  
 Kawa  qu’ils  voyaient  fuir  derrière  eu x ,  et  répétant  
 souvent  le  mot  //outa  du  ton  le  plus  dolent.  Tehi-  
 Nouï , oubliant son rang et sa dignité,  s’est lamenté de  
 la manière  la  plus  piteuse.  C’était  un  singulier  spectacle  
 que  de  voir  ce  sauvage  qui,  sur  le  champ  de  
 bataille,  eût  sans  doute  affronté  la mort  sans  sourciller, 
   vaincu  par  la  douleur,  s’abandonner  à  toute  
 son affliction,  et pleurnicher d’un ton  plaintif comme  
 aurait  fait  un  enfant  boudeur  auquel  on  a  refusé  
 quelque  chose.  Cependant,  il  se  consola  un  peu  
 dans  la soirée  et soupa de bon appétit.  L’aliment que  
 ces hommes préfèrent à tout  autre  est le pain trempé  
 dans  le  café,  et  le  matin  ils  font  régulièrement  la 
 DE  L’ASTROLABE. 85 
 revue  des  gamelles  pour  avaler  ce  que  les  matelots  
 ont  laissé. 
 Durantlanuit, il s’éleva une petite brise de S. S. 0 .,  
 qui à onze heures varia et fraîchit à l’O. N.  O. ; nous  
 restâmes en panne. Un feu brillait dans le S. O. et une  
 longue houle deN. E. régnait encore. A quatre heures  
 du  matin,  nous  fimes  servir  au  nord,  et  la  brise  
 d’ouest  nous  porta  rapidement  vers  le  cap  Topolo-  
 Polo (cap Turn-Again de Cook),  oû elle nous quitta  
 vers les dix heures,  à sept milles de te rre ,  pour nous  
 laisser en calme et livrés à un courant qui nous reportait  
 au large. 
 C’est ici le cas de remarquer que la nature  des courans, 
  depuis le cap Kawa-Kawa jusqu’au cap Topolo-  
 Polo,  a été tout-k-fait irrégulière.  Cette raison, jointe  
 au défaut de latitude observée près du premier  de ces  
 points, a rendu la construction de celte partie de  côte  
 très-difficile.  Nonobstant  tous  les  soins  qu’a  pris  
 M.  Lottin  pour  approcher  le  plus  possible  de  la  
 vérité,  nous  ne pouvons nous dissimuler que la carte  
 qu’il  a  dressée  n’offre pas,  dans  cette portion,  toute  
 la  précision  désirable  ,  et  qu’elle  aurait  besoin  de  
 nouvelles rectifications. 
 Le  cap  Topolo-Polo  est  formé par  une  pointe  médiocrement  
 élevée  que  surmonte  un  morne  arrondi,  
 et  de  nature  évidemment  volcanique,  ainsi  que  l’attestent  
 ses  flancs  décharnés,  sillonnés  verticalement  
 de  larges  bandes blanchâtres,  et  son  sommet  échan-  
 cré  en  forme  de  cratère  éteint.  Tout  ceci,  joint  à  
 une tache  blanche peu  éloignée  dans  le  sud,  le  rend 
 1827 . 
 Février. 
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