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Février.
rions quantité de cochons, de pommes de te rre , de
nattes et de femmes à notre service. Je crois en effet
que nous eussions été bien reçus, et il n’y a pas de
doute qu’un navire trouverait aujourd’hui beaucoup
plus de ressources sur cette partie de la côte que dans
les parages situés plus au no rd , ruinés par les guerres
continuelles des habitans, ou épuisés par les relâches
fréquentes des baleiniers anglais ou américains.
Shaki ne quitta le bord qu’à quatre heures, après
avoir vendu tous ses cochons. Son exemple décida
ceux des deux autres pirogues, et ils finirent aussi par
céder ces animaux pour de la poudre.
A cinq heures , je profitai du calme prolongé pour
envoyer le thermométrographe à trois cent soixante
brasses de profondeur verticale. Le résultat de celte
expérience fut que la température des eaux de la mer
qui était de 19°, 6 à leur surface, n’était plus qu’à 7°,
7 à cette profondeur.
Au calme qui avait eu lieu toute la journée, succéda
un vent du N. O. qui commença à neuf heures, fraîchit
graduellement, et dès dix heures et demie nous
obligea à prendre le second ris des huniers.
Dès quatre heures du matin il soufflait grand frais
avec de violentes rafales. La mer s’était promptement
soulevée en lames courtes, mais creuses et très-fatigantes.
Il fallut tout serrer et rester à la cape sous le
petit foc seul, dans la crainte de voir toute autre voile
emportée par le vent, tant il était devenu furieux. De
quatre à huit heures il soufflait par tourbillons , et la
surface des eaux ne formait qu’une na]>pe de pousd
É
sière blanche; la corvette était cruellement tourmentée
par la houle, et la baleinière menaçait d’être emportée
par chacune des lames qui venaient briser contre les
flancs du navire.
Ensuite le vent passa à l’O. S. O., elles lames devenues
plus longues devinrent aussi moins dangereuses.
Du reste le coup de vent souffla tonte la journée avec
une force égale. Le ciel resta clair, et nous continuâmes
long-temps de voir les terres du S. au S. O. Mais la
dérive qui nous entraînait dans le N. E . , et la brume
qui s’éleva finirent par nous dérober la vue de la
côte.
Au coucher du soleil, le ciel se couvrit, et la tempête
s’apaisa. A dix heures une petite pluie acheva de
faire tomber le vent. Mais la houle qui était restée tres-
grosse continua de nous secouer horriblement.
Le vent ne nous laissa pas long-temps respirer. Dès
deux heures du malin il reprit au S. O. avec une nouvelle
violence, et de plus accompagné par intervalles
de grains de pluie. A midi le ciel se chargea subitement,
et notamment dans le sud où le tonnerre gronda
au loin ; une demi-heure après le vent sauta toul-à-
coup dans cette partie en continuant de souffler grand
frais par rafales et tourbillons. Une mer affreuse s’éleva
de cette direction, el ses lames se croisant à angle
droit avec celles du jour précédent, occasionèrent des
clapotis et des remoux qui fatiguèrent la corvette plus
qu’elle n’avait encore fait. On eût dit qu’elle se déliait
dans toutes ses parties ; et quelques pièces de farrière
avant cédé, les armoires de ma chambre furent inon