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1827.
Février.
148 VOYAGE
donné d’utiles renseignemens sur son compte, et il
parut très-satisfait.
Après avoir examiné un moment le temps, notre
navire et notre mouillage, avec autant d’aplomb qu eût
pu faire le pilote le plus expérimenté, il me déclara
que nous étions fort mal placés, qu’d allait faire très-
mauvais, et que notre navire périrait certainement si
nous ne changions pas de position. En même temps il
m’indiquait le fond de la baie, en m’assurant que nous
y serions parfaitement en sûreté, et déployait toute
son éloquence pour me persuader de m’y rendre. Sans
doute il avait raison, je le savais bien; et plus que bu
j’eusse désiré pouvoir conduire la corvette à l’abri de
la presqu’île Tewara : mais le temps qui régnait ne me
permettait pas de tenter aucun mouvement. Te Rangui
, qui ne pouvait comprendre mes raisons, s’épuisait
en démonstrations pour me faire quitter ce mouillage,
et y joignait les menaces les plus énergiques d’un prochain
naufrage. Voyant enfin qu’il ne pouvait me déterminer,
il renvoya sa pirogue et ses gens à terre et
resta seul avec moi.
Sur le désir que je lui témoignai, il me donna avec
intelligence et complaisance les noms en langue du
pays de toutes les terres el îles voisines, que j ’ai substitués
comme à l’ordinaire à ceux de Cook. Sur des
côtes occupées par un peuple doué d’autant de sagacité,
et qui n’avait pas laissé un îlot, un rocher, un
coin de terre sans lui assigner une dénomination, il
devenait bizarre pour le navigateur de ne voir figurer
que des noms anglais, souvent d’assez mauvais goût.
DE L’ASTROLABE. 149
Il est beaucoup plus intéressant pour lui de retrouver
jes noms des naturels. Du moins est-il certain d’être
entendu de ceux-ci, et de pouvoir se faire indiquer le
lieu où il compte diriger son navire, la tribu qu’il désire
visiter. Sans doute c’est pour lui un devoir sacré
que de respecter les noms imposés par le premier découvreur
à des lieux inhabités ; mais partout ailleurs
je pense que ceux des indigènes doivent prévaloir dès
qu’ils sont une fois connus ; il vient d’ailleurs un temps
où ces noms sont pour le pays les seuls vestiges du langage
que parlaient ses primitifs habitans.
Immédiatement après avoir mouillé, j’envoyai
M. Pâris pour sonder tout aulour du navire du N. O.
au S. O . , et déterminer la limite des cinq brasses. Le
résultat de son opération fut qu’il y avait fond presque
à toucher la côte. Comme nous en étions à plus de
deux milles de distance, cette certitude me rassura en
me faisant voir qu’en cas d’accident, nous aurions
beaucoup de chasse.
Le temps menaçait de plus en plus ; a onze heures
je tentai d’appareiller pour m’avancer un peu plus dans
la baie; mais notre cabestan, naturellement mauvais,
laissait glisser la tournevire à chaque secousse violente
que la lame imprimait à cette dernière. Je craignis
que cette manoeuvre, au lieu de nous être avantageuse
, ne nous devînt funeste ; ainsi je me décidai a
garder notre poste, d’autant plus que l’ancre avait
tenu b o n , quoique nous n’eussions encore que quarante
brasses de chaîne à l’eau.
Le temps s’étant un peu amélioré vers trois heures.
1827.
Février.
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