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sous le poids de l’infortune, ce malheureux insulaire
m’aborda les larmes aux yeux, et parut éprouver
beaucoup de satisfaction de ce que je me souvenais
de lui : je l’entretins de son séjour à bord et je
lui fis quelques présens. Il me confirma que c’était
effectivement les gens de Shongui qui avaient chassé
de leurs foyers les habitans de Kakou-Wera. Peu de
temps après la mort de Touaï, sa femme Ehidi et son
petit enfant avaient eux-mèmes succombé. L’ariki
Touao et sa femme étaient encore vivans et réfugiés,
ainsi que lui Rangui, a Waï-Tangui ; mais il se plaignait
amèrement des procédés peu généreux du chef et des
membres de cette tribu. Te Rangui apportait quatre
cochons dans sa pirogue, mais comme il exigeait absolument
une couverture de laine en retour, et que personne
ne pouvait lui en donner, il fut obligé de remporter
sa marchandise.
A midi, je quittai la corvette, accompagné de
MM. Quoy, Gaimard, Gressien et Lesson, pour visiter
les ruines du pâ voisin ; en conséquence nous débarquâmes
dans l’anse située derrière la presqu’île qui
le renfermait. Une plage assez basse entoure celte crique
dans sa plus grande étendue. Diverses éminences
qu on aperçoit aux environs portent évidemment
1 empreinte du travail des hommes, et il est très-
probable quelles ont été jadis occupées aussi par des
citadelles zélandaises qui ont précédé celle de Kahou-
Wera et qui auront été abandonnées comme elle. Chez
ces peuples, serviles esclaves du Tapou, mille raisons,
indépendammentdes vicissitudes des combats, peuvent
amener une tribu à quitter volontairement sa résidence,
et ce n’est pas chez eux qu’il faudrait chercher des sites
consacrés par plusieurs générations successives.
Quelques cases en ruines, des débris de tombeaux
et des palissades enfouies sous fherbe attirèrent quelque
temps mes regards sur le rivage. A peu de distance,
dans une position assez agréable et ombragée de
quelques grands arbres, chose assez rare sur ce point
de la côte, on voyait encore la maison de campagne de
Koro-Koro. Proprement construite, elle n’avait pas
moins de dix à douze pieds en carré, et je pouvais facilement
m’y promener debout ; ce qui est presque un
luxe pour ces peuples dont les cases ont rarement plus
de cinq à six pieds de hauteur. Il est vrai que Touaï
ayant vécu à Sydney et même à Londres, ses idées
s’étaient un peu agrandies, et le palais de son frère
avait pu s’en ressentir.
Nous gravîmes ensuite le coteau sur la cime duquel
était assis le pâ ruiné. Les immenses fossés dont il était
environné, le chemin couvert et une partie des palissades
existaient encore ; mais le silence du désert y
régnait. Quatre ans auparavant, conduit par Touaï, j’y
avais été reçu avec les honneurs de la guerre par f ariki
Touao son cousin qui en son absence commandait le
fort. Ln ce moment même la femme de celui-ci subissait
l’opération du tatouage sur une épaule. Je
m’étais arrêté un instant près d’elle, puis j’avais parcouru
avec intérêt les cases du pâ échelonnées par
gradins sur la pente d’un coteau escarpé et occupées
par une population active et nombreuse. 11 n’y restait
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