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 VOYAGE 
 1027. 
 Janvier. 
 parcouru quarante-deux milles de chemin , tandis que  
 le loch ne nous en avait donné que vingt-huit environ.  
 C’était la preuve que nous avions été aidés par un fort  
 courant.  Enhardi par  ce  succès,  je me  proposais  de  
 pousser  dans  la  soirée  jusqu’à  la baie Cloudy  et  de  
 mouiller  à  son  entrée;  nous  devions  le  lendemain  
 y pénétrer tout-à-fait, visiter ce point encore inconnu,  
 nous  assurer  surtout  si  cette  baie  ne  communique  
 point  avec  celle  de la  Reine-Charlotte,  par  quelque  
 canal intérieur,  comme je suis disposé à le croire. 
 Malheureusement,  au plus fort de mes espérances,  
 le vent m’abandonna  tout-à-coup,  vers  cinq  heures  
 du soir et  à deux milles environ d’un morne escarpé,  
 dont  la  terre  aride  et  dépouillée  s’échappe  en  longs  
 éboulemens jusqu’à la mer.  A sa base, une petite anse  
 semblait communiquer par un chenal étroit et obstrué  
 de  rochers  avec la baie  de  la Reine-Charlotte,  dont  
 les eaux calmes se distinguaient parfaitement du sommet  
 des mâts. De grands feux se montrèrent aussi sur  
 la pointe gauche de cette coupée. Avides de nous voir,  
 il est probable que les sauvages employaient ce moyen  
 pour  nous  attirer  chez  eux. 
 Nous restâmes  une heure  dans un  calme profond,  
 puis je me hâtai de profiter d’une petite brise de N. O.  
 pour écarter  la terre  et me  mettre dans  une  position  
 convenable  pour passer la nuit.  Nous nous  trouvions  
 dans la partie la plus  resserrée du détroit,  et je savais  
 ce  que Cook avait écrit de la violence des courans que  
 les marées y occasionent. A huit heures du soir, c’est-  
 à-dire  à  l’entrée  de  la  n u it, j’avais  réussi  à me placer 
 à cinq milles de  la  côte occidentale (près  le  cap Koamaro  
 )  et  à  buit milles  de  celle du nord  ( près  le  cap  
 Poli-Wero).  Alors je mis  le  cap  à  l’E.  N.  E .,  sous  
 petites  voiles,  pour  écarter  doucement la côte.  Vers  
 dix heures la brise  Ifaicbit beaucoup,  la  houle  se  fit  
 sentir,  et le courant qui nous entraînait sensiblement  
 sur  les  terres  de  File  septentrionale  nous  força  à  
 manoeuvrer souvent et à redoubler de vigilance. Heureusement  
 nous avions  un  beau  clair  de  lu n e ,  et les  
 marins savent quel avantage ils retirent de cette bienfaisante  
 lumière dans les nuits où la navigation devient  
 épineuse. 
 Le reste de la nuit, il souffla une forte brise du nord,  
 avec des rafales  et une mer assez  dure  travaillée  par  
 l’effet des courans. Dès trois heures et demie du matin,  
 reconnaissant très-bien toutes les terres du détroit, je  
 serrai le vent à l’O. S. O .,  en forçant  de voiles,  pour  
 tenter de donner dans la baie Cloudy. A six heures un  
 quart,  nous  n’étions  plus  qu’à  quatre  ou  cinq lieues  
 de  son  entrée; mais  depuis  le malin  le  courant  nous  
 rejetait hors du détroit,  et je restai  convaincu que  ce  
 ne  serait  qu’avec  une  peine  extrême  que je  pourrais  
 réussir dans mon projet,  à supposer toutefois qu’il fût  
 exécutable,  tant  que  le  vent  resterait  de  la  même  
 partie. 
 En  conséquence,  renonçant  à  mes  premiers  desseins  
 ,  je  me  bornai  à  faire  une  station  près  du  cap  
 Campbell,  dont  nous  n’étions plus qu’à cinq milles,  
 puis  à rallier  la  côte  d’Ika-Na-Mawi,  afin  de  reconnaître  
 la partie du rivage à l’ouest du cap  Palliser. 
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