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 Janvier. 
 recul le nom des Cinq-Doigts du milieu, par allusion  
 aux Cinq-Doigts de Cook près la baie Dusky. 
 A  trois  heures  et demie  et  à  cinq  heures  du  so ir,  
 nous  trouvâmes cinquante et quarante  brasses,  sable  
 fin  et  vasard,  à  moins de  quatre  milles  de  la côte. A  
 cinq  heures  dix  minutes,  la  brise  étant  tout-à-fait  
 tombée,  nous laissa à la merci d’une houle énorme du  
 S. O.  et vis-à-vis d’une côte  épouvantable  où  la mer  
 brisait  avec  une  fureur  sans  exemple.  Déjà je  commençais  
 a  faire  des  réflexions  assez  sérieuses  sur  
 notre situation,  quand à  sept heures une brise fraîche  
 du N .  O.  nous  pemiit de serrer le vent tribord pour  
 écarter un peu la terre. 
 Au moment où nous prîmes la bordée du large,  les  
 montagnes de la  côte se  trouvaient  interrompues  par  
 un ravin  large  et profond qui  devait  être  occupé  par  
 une rivière ou au moins par  un  torrent remarquable.  
 A trois ou quatre milles de cette coupée et tout au plus  
 à trois milles de la mer, s’élève le pic des Cinq-Doigts,  
 tandis qu’à quinze milles dans  le N. N.  E.  nous  aper-  
 'cevions une pointe basse qui s’avançait assez loin dans  
 la mer. 
 Toutq la nuit le vent souffla  au N.  O ., avec de pesantes  
 rafales,  un  temps  pluvieux,  un  ciel  chargé  
 et  de  la  plus  sinistre  apparence.  En  outre  la houle  
 du  S.  O.,  que  nous  attaquions  précisément  debout,  
 nous  occasionait  des  coups  de  tangage  très-rudes.  
 Notre position  déjà bien critique sur cette côte de  fer  
 devint  encore plus  inquiétante vers quatre  heures  du  
 matin. Alors le ciel se chargea de toutes p a rts, la pluie 
 tomba par véritables  torrens,  et le vent souffla grand  
 frais  avec des rafales  furieuses du N. O.  à l’O. N. O.  
 Il fallut serrer l’arlimon  et le petit hunier,  et,  tout  en  
 nous maintenant au plus près ,  il nous était impossible  
 de ne pas perdre. Durant quelques heures j ’éprouvai  
 les  plus  vives  anxiétés,  car  si  le  vent  avait  passé  à  
 rO.  S. O.  et S. O.  pour régner avec la même force et  
 aussi long-temps que nous  l’avions  eu quelques jours  
 auparavant,  c’en  était  fait de la  corvette. Forcée par  
 ia  tempête  de  s’affaler peu à peu  sur  la côte,  elle eût  
 fini par s’y jeter et s’y briser en mille pièces. 
 Mais,  à ma grande satisfaction,  sur les sept heures  
 et demie la fureur de la tempête s’apaisa ; à dix heures  
 le vent étant devenu maniable et ayant varié à l’ouest,  
 nous virâmes lof pour lof et forçâmes de voiles,  le cap  
 au N.  */, N. E.  et au N. N. E. A midi  et demi nous re vîmes  
 les  terres  dentelées  en  scie  à  près de quarante  
 milles de  distance,  ce qui nous prouva que, malgré le  
 vent  et  la lame ,  nous  nous  étions  considérablement  
 élevés  au  vent  de  la  terre  durant  la  nuit. A  quatre  
 heures et demie nous étions sur le parallèle et à douze  
 milles de la  coupée remarquée la  veille au soir ; à sept  
 heures  du  soir le cap Foul-Wind nous  restait  au  N.  
 E.  'ù N.  à  douze ou treize milles de distance, comme  
 une pointe basse qui  s’avance beaucoup à l’ouest et se  
 termine par un mondrain aplati : devant  cette  pointe,  
 le  rivage  s’abaisse  beaucoup,  bien  que la  chaîne des  
 montagnes intérieures demeure aussi imposante. 
 Nous  continuâmes  à  courir  six  à huit  milles  jusqu’à  
 onze heures un quart, où nous prîmes les amures 
 1027. 
 Janvier.