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 Février. 
 des divers chefs de la baie des Ile s ,  et il me parut fort  
 au  courant  des  guerres  qui  divisent  les  peuples  du  
 nord.  Après  le repas,  il me p ria,  me  conjura d’aller  
 mouiller au moins vingt-quatre heures  chez lui.  Pour  
 m’y déterminer,  il  alla jusqu’à m’offrir  gratuitement  
 deux beaux cochons.  Je le remerciai poliment,  et  les  
 lui fis  payer pour le compte de l’équipage. Sa pirogue  
 contenait plus de vingt de ces animaux :  mais  comme  
 nous venions d’en acheter aux naturels de Houa-Houa  
 tout  autant  que  nous  avions  pu  en  loger,  personne  
 ne  se  présentait  pour  ceux-ci.  Cependant,  les  compagnons  
 d’Oroua avaient tant d’envie de s’en  défaire,  
 pour n’être pas obligés de les remporter, qu’ils finirent  
 par les céder pour des couteaux. 
 A cette occasion je pus juger combien le caractère du  
 marin peut devenir exigeant et déraisonnable.  Depuis  
 un moment j’examinais  un  des  maîtres  suspendu  le  
 long du navire,  et  engagé  dans  une  discussion  très-  
 animée  avec un naturel,  au  sujet d’un marché de cochon. 
   Le maître tenait à la main deux petits couteaux  
 dont  l’un  neuf  avait  bien  valu  six  liard s,  et l’autre  
 n’était  qu’une  vieille  lame  ajustée  à  un morceau  de  
 bois,  tout au plus propre à décrotter des souliers. Ln  
 retour de ces deux objets,  le sauvage lui présentait un  
 cochon  de  soixante  à  soixante-dix  livres,  mais  le  
 maître  s’emportait  contre lui  en  invectives  dans  son  
 patois provençal  qu’heureusement  l’autre  n’entendait  
 pas.  Surpris  de  la  colère du maître, je lui  demandai  
 s’il n’était pas content de son marché. N o n , commandant, 
   reprit-il  en  me  montrant un  cochon de  quatrem 
 vingt-dix à  cent livres,  ¿est ce  cochon-là que j e  demande, 
   et le  coquin  ne veut me doniier que  l’autre  
 qui  est  trop  p e tit.  P u is ,  voyant  que  le  naturel ne  
 voulait  point  lui livrer le gros  cochon,  il  se retira en  
 grommelant,  et garda ses deux couteaux dont il n’eut  
 peut-être pas un oeuf par la suite. 
 Les sauvages se montrèrent  plus  difficiles  au sujet  
 de  leurs  nattes,  car  ils  ne  voulurent  recevoir  en  
 échange  que  des  étoffes  ou  des  couvertures,  et  ils  
 avaient bien raison. 
 A sept heures, Oroua, voyant queje ne voulais point  
 me rendre  à  ses  supplications,  suivit mon conseil  et  
 se  mit  en  route  pour  rejoindre  ses  foyers,  après  
 avoir  demandé  et  obtenu  quelques feuilles  de papier  
 et  des  balles,  car  il  ajouta que  les  habitans de  cette  
 côte  étaient exposés  à  des combats fréquens et meurtriers. 
   Il m’avait  témoigné  le  désir  de  passer  la  nuit  
 à  bord,  mais  instruit  par  ce  qui  m’était  arrivé  à  
 l’égard de nos voyageurs de Tera-Witi,  et peu jaloux  
 de m’exposer à emmener et à nourrir une vingtaine de  
 ces  naturels,  je  m’y  refusai  positivement  et  le  renvoyai  
 chez lui.  Pour  nous,  après avoir encore couru  
 cinq  à  six  milles  au N.  L.  ‘b  nous  restâmes  en  
 panne,  par  cinquante  et  soixante  brasses,  fond  de  
 vase. 
 Dès  que  le  jour  vint nous montrer  la  côte,  nous  
 reconnûmes  que  nous  étions  à  huit à  neuf milles au  
 large de  la  baie  de  Toko-Malou,  et nous  profitâmes  
 d’une petite brise d’O.  N.  O.  et d’O. S. O.  poumons  
 avancer vers  le cap Est on Waï-Apou. 
 TOME  I I .   8 
 1S27. 
 Février. 
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