
 
        
         
		u   I 
 ii 
 VOYAGE 
 tout  demanda  plus  de vingt  fois  de  suite  s’il  n’allait  
 pas arriver  incessamment.  Tout  annonçait que  cette  
 nouvelle  l’agitait  cruellement  et  qu’il  était  vivement  
 tourmenté  de  savoir  son ennemi  déjà  si  près  de lui.  
 Ayant voulu connaître quelle serait ma conduite dans  
 le cas où Rangui qu’il surnommait  avec mépris Touke  
 pour  le  distinguer  de  lui-même ,  viendrait à  paraître  
 près  de  la  corvette,  je  lui  répondis  qu’étant  également  
 Tami de tous les Zélandais, je ne lui ferais aucun  
 mal,  mais  que je  ne souffrirais point non plus qu’aucun  
 de  mes  hôtes  fût  attaqué  ou  même insulté  sur  
 mon  vaisseau.  J ’ajoutai  que tant  que  lui  Rangui  de  
 Tamaki  et  les  siens  seraient  sous  ma  protection,  il  
 ne  pouvait  leur  arriver  rien  de  fâcheux.  Cette  promesse  
 lui  fît  plaisir  et  parut  calmer un  peu  les  vives  
 inquiétudes  qu’il  éprouvait.  —  Le  sentier  que nous  
 avions  suivi  long-temps  la  veille  conduisait  aussi  à  
 Manoukao,  bien  qu’il  fût  interrompu en  certains  endroits. 
  — Kaï-Para,  résidence de Moudi-Panga,  chef  
 célèbre  de  ces  régions  ,  n’est  éloignée  que  de  trois  
 jours de  Tamaki,  et ce rangatira valeureux,  qui avait  
 si  long-temps  résisté avec  succès  à Shongui,  a  enfin  
 succombé  sous les  coups de celui-ci,  et lui a servi de  
 pâture ainsi qu’à ses guerriers. — Kapou-Hoka,  dont  
 Touaï me montra quelques  années  auparavant la  tête  
 préparée  à Paroa ,  était  frère ou  cousin  aîné de Rangui. 
  — En définitif, je crus comprendre que Kanawa,  
 chef de Waï-Kato ,  était  toupouna  ou grand-père de  
 Rangui  et  père  de Tawiti,  d’où  il  s’ensuivrait  que  
 celui-ci  serait  l’oncle  et  non  le  frère  de  Rangui.  En 
 générai  les  litres  de  frè re ,  oncle  ou  n eveu,  et  
 même cousin,  sont  souvent  confondus  chez ces peuples, 
   et  les  adoptions,  aussi  fréquentes  parmi  eux  
 qu’elles  l’étaient  chez  les  anciens  Romains,  ajoutent  
 encore à cette confusion. 
 Rangui n’a pu me désigner  que  six principaux  airs  
 de  vents,  savoir ; N ., moudi;  N.  E . ,  marangaï;  E . ,  
 tonga; S., hawa-ourou; O.,  tou-araki; et N. O., kau-  
 raki.  Il m’a récité en entier le fameux chant du Pihe,  
 et a été fort étonné de me le voir répéter après lui, en  
 le lisant  dans  la grammaire.  Ce chef portait  en  guise  
 de sceptre une  côte de baleine  sculptée qu’il nommait  
 patou-waïroa el  dont j ’ai  fait  l’acquisition,  ainsi  que  
 d’un beau manteau  garni en poil de chien de diverses  
 couleurs appartenant à 'fawiti. Ce dernier avait amené  
 sa femme avec lu i, elle portait dans ses bras un enfant  
 qui  paraissait  aussi  tendrement chéri  du père que de  
 la mère. Comme nous l’avions vu en d’autres endroits,  
 les  esclaves  ou  filles  du  peuple  prodiguaient  leurs  
 faveurs  au  premier venu pour  la  moindre  bagatelle,  
 tandis  que  les  femmes  mariées  étaient  inaccessibles.  
 Pour  éprouver  jusqu’où  pouvaient  s’étendre  leurs  
 scrupules louchant la fidélité conjugale,  M.  Caimard  
 fit  toutes  sortes  d’offres  à  Tawiti  pour  obtenir  les  
 faveurs  de  sa femme;  ce  rangatira fut  sourd à toutes  
 les  séductions,  même  à  l’offre  d’un  fusil  ordinaire,  
 se contentant de répondre  chaque  fois  ;  lapou  [sacré  
 ou défendu). Seulement quand le docteur vint à offrir,  
 en plaisantant, un fusil à deux coups,  le chef sauvage,  
 incapable de résister à une offre si séduisante, se con- 
 1827. 
 Février. 
 Pl.  LVII. 
 ! 
 :  n  'i 
 J  !  f 
 i l l